Saisie le 12 mai 2015 par le Ministre de l’Intérieur, de la Sécurité Publique, de l’Immigration et de la Décentralisation, d’un projet de loi relatif à l’organisation de l’état civil en République Gabonaise ;
Vu la Constitution ;
Vu la loi n°001/2011 du 25 septembre 2011 relative à la protection des données à caractère personnel ;
Vu la loi n°15/72 du 29 juillet 1972 portant adoption de la première partie du Code Civil ;
Vu la loi n°19/89 du 30 décembre 1989 portant adoption de la deuxième partie du Code Civil ;
Vu la délibération n°001/2013 du 08 janvier 2013 fixant le règlement intérieur de la Commission ;
Vu la délibération n°001/2015 du 16 février 2015 portant avis de la Commission sur le projet de loi relatif à l’organisation de l’état civil en République Gabonaise ;
Après avoir entendu Messieurs Adrien MBADINGA, Commissaire Permanent, en son rapport et Guy Martial BOUCALT, Commissaire du Gouvernement, en ses observations ;
Est d’avis de répondre dans le sens des observations qui suivent :
La Commission Nationale pour la Protection des Données à Caractère Personnel a été saisie, pour avis, le 12 mai 2015, par le Ministre en charge de l’Intérieur, de la Sécurité Publique, de l’Immigration et de la Décentralisation, d’un projet de loi relatif à l’organisation de l’état civil en République Gabonaise.
Ce projet de loi, à la lecture systématique des dispositions énoncées en ses articles 1er, 2 et 3 vise à déterminer les principes et règles liés à la mise en place et au fonctionnement d’un état civil numérique, biométrique et centralisé reposant sur la collecte des données réelles et exactes permettant d’identifier toute personne de manière fiable et garantissant la protection des données à caractère personnel, en application de la loi n°001/2011 du 25 septembre 2011 relative à la protection des données à caractère personnel en République Gabonaise.
Il a vocation à s’appliquer à tous les citoyens gabonais résidant sur le territoire national ou à l’étranger ainsi qu’aux personnes de nationalité étrangère résidant au Gabon.
Le système envisagé est bâti autour d’une organisation centralisée, composant :
-un registre biométrique des personnes physiques ;
-un registre centralisé de l’état civil ;
-un centre national de l’état civil auquel sont rattachés des centres provinciaux.
Au regard des objectifs visés par ce projet de loi, dont le processus d’élaboration appelle au strict respect des règles juridiques de fond, ainsi que des principes qui doivent caractériser la rédaction des normes unilatérales, la Commission considère qu’il y a lieu de faire application des dispositions de l’article 56 de la loi n°001/2011 susvisée qui soumet préalablement à l’avis motivé et publié de la Commission, les traitements de données à caractère personnel mis en œuvre pour le compte de l’Etat, par une personne morale de droit public ou une personne morale de droit privé, investie d’une mission de service public.
Dans le cas d’espèce, les traitements de données personnelles induits par le projet de loi relatif à l’organisation de l’état civil en République Gabonaise concernent des informations parmi lesquelles figure le numéro d’inscription des personnes dans un fichier national d’identification des personnes physiques.
De fait, les opérations visées par les articles 1er, 2 et 3 du projet de loi relèvent du champ d’application de l’article 4 de la loi n°001/2011, pierre angulaire de tout système de traitement automatisé ou manuel des données personnelles, y compris en l’occurrence, celui projeté en vue de l’enregistrement ultérieur des faits d’état civil en République Gabonaise.
La présente saisine fait suite à la Délibération n°001/2015 du 16 février 2015 portant avis de la Commission sur une première mouture du projet de loi relatif à l’organisation de l’état civil en République Gabonaise et initié par le Ministère en charge de l’Intérieur, de la Sécurité Publique, de l’Immigration et de la Décentralisation.
En l’espèce et après avoir reconnu, dans l’avis précèdent, l’opportunité d’un système national d’état civil propre à garantir la protection des données à caractère personnel, la Commission réaffirme le principe du strict respect du droit national en la matière, par les opérateurs publics et privés de traitement des données personnelles, en tant qu’il constitue la norme de référence obligatoire de leurs activités à fort risque d’atteintes aux droits et libertés fondamentaux des personnes concernées.
La loi n°001/2011 du 25 septembre 2011 demeure ainsi le socle juridique, en République Gabonaise, de tout système de traitement des données personnelles, et donc de celui envisagé par le projet de loi issu du Ministère de l’Intérieur, de la Sécurité Publique, de l’Immigration et de la Décentralisation visant, en particulier la constitution et la mise en fonctionnement d’un registre général des personnes physiques et d’un registre spécifique des faits d’état civil.
En conséquence et à travers sa délibération n°001/2015 du 16 février 2015, la Commission a tenu à préciser que les références explicites à la protection des données personnelles, ainsi qu’à ses règles de base doivent clairement figurer dans les textes législatifs et réglementaires prévoyant la réalisation des différentes opérations citées par les dispositions de l’article 4 de la loi n°001/2011 du 25 septembre 2011 et impliquant des mesures juridiques et informatiques de protection des données personnelles.
Examinant la conformité du projet de loi relatif à l’organisation de l’état civil à la loi n°001/2011, la Commission relève, dans la délibération n°001/2015 du 16 février 2015, la non prise en compte de l’impératif de protection des données personnelles, nonobstant son affirmation de principe aux termes de l’article 1er du projet de loi susvisé, tout en recommandant au Ministère de l’Intérieur, de la Sécurité Publique, de l’Immigration et de la Décentralisation, l’insertion effective dans le texte de celui-ci, des dispositions pertinentes de la loi n°001/2011 du 25 septembre 2011, qui visent précisément à garantir le respect des règles de protection des données personnelles en République Gabonaise.
La présente saisine s’inscrit dans la continuité de la Délibération n°001/2015 du 16 février 2015 ayant conclu à un avis défavorable de la Commission et à un ensemble de recommandations que le Gouvernement était vivement convié à mettre en œuvre.
Conformément aux dispositions de l’article 56, le Ministère de l’Intérieur, de la Sécurité Publique, de l’Immigration et de la Décentralisation a de nouveau, sollicité l’avis de la Commission, aux fins de justifier que les amendements gouvernementaux de son projet de loi sont bien de nature à garantir la protection des données personnelles des citoyens, tel que le prévoit, le nouveau système d’état civil numérique à instituer dans notre pays.
D’une manière générale, la Commission apprécie, à sa juste valeur, la détermination du Ministère de l’Intérieur, de la Sécurité Publique, de l’Immigration et de la Décentralisation à assurer la conformité de son projet de loi aux dispositions de la loi relative à la protection des données à caractère personnel, sur la base notamment de la délibération n°001/2015 du 16 février 2015, qui a donné lieu à un premier avis sur la question.
La Commission note que le projet amendé fait de la loi n°001/2011, le droit applicable aux « règles et principes liés à la mise en place et au fonctionnement d’un état civil numérique, biométrique et centralisé » (article 1er, alinéa 1 et article 3) fondé sur « la collecte des données réelles et exactes permettant d’identifier toute personne de manière fiable », (article 2) et « garantissant la protection des données à caractère personnel », (article 1er, alinéa 1, in fine).
Mieux, aux termes de l’article 2 du projet, « la présente loi intègre les dispositions […] de la loi n°001/2011 du 25 septembre 2011 relative à la protection des données à caractère personnel », de manière à régir les aspects de protection des données personnelles des citoyens, liés non seulement à la mise en place, mais encore à l’exploitation et à la gestion futures de la nouvelle organisation de l’état civil en République Gabonaise.
Pour bien marquer cette intégration du champ de la loi n°001/2011, le projet amendé renforce la liste des éléments d’identification (ou données réelles et exactes permettant une identification fiable de la personne) et celle des principaux faits d’état civil à partir desquels les données personnelles seront recueillies et collectées.
Elles englobent désormais la profession, le statut matrimonial et les décisions des tribunaux relatives à la filiation (articles 3 et 4 du projet de loi amendé).
Derrière ces innovations, la Commission salue un progrès significatif amorcé par le Gouvernement dans le sens d’une meilleure protection des droits et libertés fondamentaux des personnes concernées par le prochain système national d’état civil automatisé et biométrique.
Au-delà de l’affirmation de la prééminence de la loi n°001/2011, la Commission constate l’introduction des règles et principes fondamentaux du droit gabonais de la protection des données personnelles, dans le corps matériel du projet de loi réaménagé.
En effet, la volonté gouvernementale de prendre en compte l’impératif de protection des données personnelles dans le processus de construction d’un service public moderne d’état civil numérique, sécurisé et fiable est clairement affichée aux termes notamment de l’article 5 du projet de loi modifié, qui impose cet objectif cardinal à l’ensemble des acteurs institutionnels impliqués.
Aussi, la Commission partage-t-elle le souci du Gouvernement de soumettre les organes étatiques compétents au respect scrupuleux de l’article 5, véritable pivot du système dont la référence est exigée, sur l’ensemble du projet de loi amendé, par nombre de dispositions importantes, telles que les articles 14, 15 alinéa 2, 17 alinéa 1, 21, 22, 27 alinéa 3 et 28.
La Commission observe, par ailleurs, que l’article 5 du projet de loi affirme le respect des principes fondamentaux de protection des données personnelles énoncés par la loi n°001/2011, à savoir loyauté et licéité du traitement, finalité, proportionnalité, pertinence, exactitude et qualité, confidentialité et sécurisation des données collectées et exercice des droits par la personne concernée, comme s’il appartenait au Gouvernement, se substituant à la Commission dans l’exercice de ses pouvoirs légaux de contrôle en la matière, de présumer du respect d’office de ces principes, lors des opérations ultérieures de traitements des données personnelles découlant de la mise en place et en fonctionnement de la nouvelle organisation de l’état civil en République Gabonaise.
La Commission rappelle, conformément aux dispositions pertinentes du Code Civil, le caractère permanent des données d’état civil et confirme donc « la durée indéfinie de conservation des données » que contiendront le registre général des personnes physiques et celui de gestion administrative des faits d’état civil.
Cependant, la Commission, en vertu de l’article 14 de la loi n°001/2011, reconnait expressément à toute personne physique, le droit d’accéder aux données la concernant, régulièrement enregistrées dans un traitement. De même, réitère-t-elle l’obligation légale faite à tout responsable de traitement, selon les cas, de rectifier, de compléter, de mettre à jour, de verrouiller ou de supprimer ces données, si elles s’avèrent inexactes, incomplètes, équivoques, périmées ou si leur collecte, leur utilisation, leur communication ou leur conservation est interdite.
En conséquence :
La Commission Nationale pour la Protection des Données à Caractère Personnel, à l’unanimité de ses membres réunis en séance de formation plénière, après avoir :
-examiné le projet de loi relatif à l’organisation de l’état civil en République Gabonaise initié par le Ministre de l’Intérieur, de la Sécurité Publique, de l’Immigration et de la Décentralisation et noté les observations de ses membres ;
-constate l’attachement du Gouvernement à l’exigence de respect du droit national en matière de protection des données personnelles, en l’occurrence la loi n°001/2011 du 25 septembre 2011, comme l’y invite la Commission dans sa délibération n°001/2015 du 16 février 2015 portant avis sur le projet de loi relatif à l’organisation de l’état civil en République Gabonaise ;
-émet un avis favorable quant à la conformité du projet de loi relatif à l’organisation de l’état civil en République Gabonaise aux dispositions de la loi n°001/2011 du 25 septembre 2011 relative à la protection des données à caractère personnel ;
-recommande, toutefois, au Gouvernement la reformulation de l’article 5 du projet de loi, de telle sorte que les principes fondamentaux de protection des données personnelles y évoqués fassent chacun l’objet d’articles spécifiques dans le corps matériel du texte.
La présente délibération portant avis de la Commission sur le projet de loi relatif à l’organisation de l’état civil en République Gabonaise, initié par le Ministère de l’Intérieur, de la Sécurité Publique, de l’Immigration et de la Décentralisation, sera publiée au Journal Officiel de la République Gabonaise.
Ainsi délibéré en sa séance de formation plénière du 23 juin 2015 où siégeaient :
-Blaise Lionel MEMIAGHE, Président ;
-Léon Paul MVOUBA OKORI, Questeur ;
-Emmanuel OGANDAGA ;
-Roger LAYAUD ;
-Adrien MBADINGA ;
-Jean Bernard OGANDAGA ;
-Alain MOUPOPA.