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JOURNAL OFFICIEL N°146 DU 8 JANVIER 2022

Décision N° 045/CC du 31/12/2021 relative à la requête présentée par Monsieur Geoffroy FOUMBOULA LIBEKA MAKOSSO et Madame Justine Judith LEKOGO, tendant à voir déclarer inconstitutionnel l'arrêté n°0685/PM du 24 décembre 2021 fixant l'entrée en vigueur des nouvelles mesures gouvernementales de prévention, de lutte et de riposte contre la propagation de la COVID-19 et l'annulation dudit arrêté


AU NOM DU PEUPLE GABONAIS ;

LA COUR CONSTITUTIONNELLE ;

 

Vu la requête enregistrée au Greffe de la Cour le 28 décembre 2021, sous le n°048/GCC, par laquelle Monsieur Geoffroy FOUMBOULA LIBEKA MAKOSSO, demeurant à Libreville au quartier Louis, téléphone numéro 077-19-31-39 et Madame Justine Judith LEKOGO, demeurant à Libreville au quartier Derrière la Prison, téléphone numéro 071-35-0946, ont saisi la Cour Constitutionnelle aux fins de voir celle-ci déclarer inconstitutionnel l'arrêté n°0685/PM du 21 décembre 2021 fixant l'entrée en vigueur des nouvelles mesures gouvernementales de prévention, de lutte et de riposte contre la propagation de la COVID-19 et partant, l'annulation pure et simple dudit arrêté ;

Vu le mémoire responsif du Gouvernement ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution ;

Vu la loi organique n°9/91 du 26 septembre 1991 sur la Cour Constitutionnelle, modifiée par la loi organique n°004/2018 du 30 juillet 2018 et l'ordonnance n°010/PR/2021 du 06 septembre 2021 ;

Vu le règlement de procédure de la Cour Constitutionnelle n°0351CC106 du 10 novembre 2006, modifié par le règlement de procédure de la Cour Constitutionnelle n°047/CC/2018 du 20 juillet 2018 ;

Vu la loi n°003/2020 du 11 mai 2020 fixant les mesures de prévention, de lutte et de riposte contre les catastrophes sanitaires, modifiée ;

Vu le décret n°00108/PR/MS du 10 avril 2020 instituant un dépistage de masse de la COVID-19 en République Gabonaise ;

Le Rapporteur ayant été entendu ;

1-Considérant que par requête susvisée, Monsieur Geoffroy FOUMBOULA LIBEKA MAKOSSO, demeurant à Libreville au quartier Louis, téléphone numéro 077-19-31-39 et Madame Justine Judith LEKOGO, demeurant à Libreville au quartier Derrière la Prison, téléphone numéro 074-35-09-16, ont saisi la Cour Constitutionnelle aux fins de voir celle-ci déclarer inconstitutionnel l'arrêté n°0685/PM du 24 décembre 2021 fixant l'entrée en vigueur des nouvelles mesures gouvernementales de prévention, de lutte et de riposte contre la propagation de la COVID-19 et partant, l'annulation pure et simple de cet arrêté ;

2-Considérant qu'au soutien de leur requête, Monsieur Geoffroy FOUMBOULA LIBEKA MAKOSSO et Madame Justine Judith LEKOGO font valoir, sur la forme, que l'arrêté querellé est entaché de vices de forme, en ce que, premièrement, il a été pris en violation des règles de procédure édictées par la loi n°003/2020 du 11 mai 2020 modifiée, susvisée, sauf si le Gouvernement produit au dossier la correspondance qu'il a adressée aux deux chambres du Parlement pour les informer des mesures prises ainsi que la réponse de ces dernières ; que deuxièmement, ledit arrêté viole le principe de l'autorité de la chose jugée dont sont revêtues les décisions de la Cour Constitutionnelle du fait qu'elles ne sont susceptibles d'aucun recours, ainsi que le prévoit l'article 92 de la Constitution ;

3-Considérant, relativement au fond, que les requérants soutiennent que l'arrêté critiqué est inconstitutionnel aux motifs, d'abord, qu'il contrevient au principe de la hiérarchie des normes, non seulement parce qu'il fait référence dans ses visas à l'arrêté n°0559/PM du 25 novembre 2021 annulé par la Cour Constitutionnelle dans sa décision n°043/CC du 24 décembre 2021, mais aussi parce que les dispositions de son article 6 viennent mettre fin à la gratuité des tests PCR consacrée par l'article 4 du décret n°00108/PR/MS du 10 avril 2020 susvisé qui est une norme supérieure à l'arrêté ; qu'ensuite, ils estiment que les mesures contenues dans l'arrêté en cause violent les droits fondamentaux de la personne humaine et les libertés publiques et individuelles, alors qu'en matière de protection de ces droits et libertés, il est de principe constant que les pouvoirs publics doivent concilier les exigences de liberté avec celles de protection en faisant en sorte que les mesures prises dans ce cadre ne soient pas disproportionnées ; que tel est, pour eux, ce que prévoit l'article 7 de la loi n°003/2020 du 11 mai 2020, modifiée, susvisée ;

4-Considérant que les requérants excipent, enfin, de l'inconstitutionnalité des articles 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8 et 9 de l'arrêté en cause parce que les dispositions desdits articles instituent la commercialisation des droits fondamentaux et des libertés individuelles en rendant les tests PCR payants ;

5-Considérant qu'en réaction à cette requête, le Gouvernement affirme, sur les vices de forme, qu'il a régulièrement informé les deux chambres du Parlement ; que le moyen n'est donc pas constitué ; que par rapport au fond, il expose que la protection de la santé étant un objectif à valeur constitutionnelle, la survenue de la pandémie de la COVID-19 a conduit à l'adoption de la loi n°003/2020 du 11 mai 2020, modifiée, susvisée, qui fixe les mesures de prévention, de lutte et de riposte contre cette pandémie ; que ces mesures restreignent inévitablement l'exercice de certains droits fondamentaux, de certaines libertés publiques et individuelles ; que pour le Gouvernement, les arguments invoqués par les requérants ne sont pas fondés ;

Sur la procédure d'adoption de l'arrêté en examen

6-Considérant que Monsieur Geoffroy FOUMBOULA LIBEKA MAKOSSO et Madame Justine Judith LEKOGO soutiennent que l'arrêté n°0685/PM du 24 décembre 2021 fixant l'entrée en vigueur des nouvelles mesures gouvernementales de prévention, de lutte et de riposte contre la propagation de la COVID-19 attaqué, du fait qu'il est entaché de vices de forme, doit purement et simplement être annulé ;

7-Considérant qu'il importe de rappeler que l'article 5 de la loi n°003/2020 du 11 mai 2020 fixant les mesures de prévention, de lutte et de riposte contre les catastrophes sanitaires, modifiée, susvisée, conditionne la régularité de la prise de textes normatifs qui édictent les mesures exceptionnelles que le Gouvernement est amené à prendre pour prévenir, lutter ou riposter contre une catastrophe sanitaire, comme c'est le cas de la pandémie de la COVID-19, à l'information des deux chambres du Parlement, lesquelles peuvent soit y adhérer sans réserve, soit requérir des informations complémentaires dans le cadre de leur pouvoir de contrôle et d'évaluation de ces mesures ;

8-Considérant qu'il est constant, en l'espèce, que le Gouvernement a établi à l'instruction avoir régulièrement informé les deux chambres du Parlement des mesures y contenues ; qu'il suit de là que la procédure d'adoption de l'arrêté n°0685/PM du 24 décembre 2021 critiqué est régulière ;

 Sur le fond

9-Considérant que Monsieur Geoffroy FOUMBOULA LIBEKA MAKOSSO et Madame Justine Judith LEKOGO allèguent que l'arrêté n°0685/PM du 24 décembre 2021, déféré en contrôle de conformité à la Constitution, est inconstitutionnel, motifs pris, entre autres, de ce qu'il viole le principe de la hiérarchie des normes, qu'il consacre la commercialisation des droits fondamentaux de la personne humaine ainsi que des libertés publiques et individuelles en rendant les tests PCR payants et qu'il viole le principe de l'autorité de la chose jugée dont sont revêtues les décisions de la Cour constitutionnelle ;

10-Considérant, s'agissant du moyen tiré de la violation du principe de la hiérarchie des normes, que le décret n°00108/PR/MS du 10 avril 2020 instituant un dépistage de masse de la COVID49 en République Gabonaise, du reste toujours en vigueur, dispose en son article 4 : « Le dépistage est gratuit. » ; qu'il en résulte que jusqu'à ce que cette disposition soit modifiée ou abrogée par une loi ou un autre décret, les tests PCR sont gratuits en République Gabonaise ;

11-Considérant que l'arrêté n°0685/PM du 24 décembre 2021 en cause, prescrit en son article 6 : « Il est décidé de la fin de la gratuité des tests PCR, ainsi :

-test PCR normal : 20.000 frs CFA ;

-test PCR VIP : 50.000 frs CFA.

Ces tests sont valables 14 jours sur le territoire national et 3 jours pour les voyageurs internationaux. » ;

12-Considérant qu'il est indéniable que les dispositions précitées de l'article 6 de l'arrêté n°0685/PM du 24 décembre 2021 contredisent et modifient manifestement celles de l'article 4 du décret n°00108/PR/MS du 10 avril 2020 qui est la norme supérieure à un arrêté, le tout en violation du principe à valeur constitutionnelle de la hiérarchie des normes, lequel interdit qu'une norme inférieure puisse modifier la norme supérieure, ou même contenir des dispositions qui sont contraires aux siennes ;

13-Considérant, relativement au moyen tiré de la violation du principe de la proportionnalité entre les mesures exceptionnelles prises par le Gouvernement dans le cadre de la prévention, de la lutte et de la riposte contre les catastrophes sanitaires et la protection des droits fondamentaux, des libertés publiques et individuelles, que l'article 7 de la loi n°003/2020 du 11 mai 2020, modifiée, susvisée, énonce à ce sujet : « Les mesures prescrites en application de l'article 4 ci-dessus sont strictement proportionnées aux catastrophes sanitaires encourues et appropriées aux circonstances de temps et de lieu. Il y est mis fin sans délai lorsqu'elles ne sont plus nécessaires. » ;

14-Considérant que si à un moment donné il s'avère nécessaire de rendre les tests PCR payants par exemple, les taux à fixer doivent tenir compte de la réalité des situations économique et sociale que vivent les populations depuis la survenue de la pandémie de la COVID-19 ; qu'en effet, les confinements successifs, ainsi que l'instauration des couvre-feux, ont conduit plusieurs entreprises à déposer les bilans et ralenti considérablement l'exercice de certaines activités commerciales, avec leur corollaire qui est la perte de revenus pour les uns et d'emplois pour un grand nombre d'autres ; qu'au regard de ces contingences économiques et du montant du SMIG en République Gabonaise, le taux fixé pour les tests PCR normaux n'est ni adéquat, ni proportionnel aux circonstances de temps et de lieu ainsi que l'exigent les dispositions ci-dessus rappelées de l'article 7 de la loi n°003/2020 du 11 mai 2020, modifiée, susvisée ;

15-Considérant, par ailleurs, qu'aux termes des dispositions combinées des articles 47 et 48 de la Constitution, l'assiette, le taux, les modalités de recouvrement des impositions de toute nature et toutes les ressources et charges de l'Etat sont fixés par la loi de finances ; qu'il ressort de l'instruction que ni la loi de finances rectificative de 2021, ni celle qui vient d'être votée par le Parlement n'ont prévu les recettes relatives aux tests PCR normaux, mais plutôt celles concernant les tests PCR VIP ; qu'il s'ensuit qu'en prévoyant le coût des tests PCR normaux, l'article 6 de l'arrêté en cause viole les dispositions combinées des articles 47 et 48 de la Constitution ;

16-Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'article 6 de l'arrêté n°0685/PM du 24 décembre 2021 soumis au contrôle de la Cour viole les principes à valeur constitutionnelle de la hiérarchie des normes et de proportionnalité des mesures exceptionnelles de prévention, de lutte et de riposte contre les catastrophes sanitaires aux circonstances de temps et de lieu, ainsi que les dispositions combinées des articles 47 et 48 de la Constitution ; qu'en conséquence, il échet de déclarer ledit article 6 inconstitutionnel ;

17-Considérant, par rapport au moyen tiré de la violation du principe de l'autorité de la chose jugée dont sont revêtues les décisions de la Cour Constitutionnelle, que les requérants dénoncent la référence à l'arrêté n°0559/PM du 25 novembre 2021 que le Gouvernement fait dans son nouveau texte alors que ledit arrêté a été annulé par la Cour Constitutionnelle dans sa décision n°043/CC du 24 décembre 2021 ; qu'ils concluent qu'en s'appuyant sur un texte qui n'a plus d'existence juridique, le Gouvernement remet en cause la décision de la Haute Juridiction, en violation des dispositions de l'article 92 de la Constitution ;

18-Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article 92 de la Constitution, les décisions de la Cour Constitutionnelle ne sont susceptibles d'aucun recours ; qu'elles s'imposent aux pouvoirs publics, à toutes les autorités administratives et juridictionnelles et à toutes les personnes physiques ou morales ;

19-Considérant que l'article 10 de l'arrêté n°0685/PM du 24 décembre 2021 attaqué stipule : « Le présent arrêté qui abroge les dispositions contenues dans l'arrêté n°0559/PM du 25 novembre 2021 susvisé, entre en vigueur à compter de sa date de signature, sera enregistré, publié au Journal Officiel et communiqué partout où besoin sera. » ;

20-Considérant qu'il est constant que dans sa décision n°043/CC du 24 décembre 2021, la Cour Constitutionnelle a annulé l'arrêté n°0559/PM du 25 novembre 2021 fixant l'entrée en vigueur des nouvelles mesures gouvernementales de prévention, de lutte et de riposte contre la propagation de la COVID-19, pour avoir été pris au mépris de la procédure prévue à cet effet par l'article 5 de la loi n°003/2020 du 11 mai 2020, modifiée, susvisée ; que par cette annulation, l'acte concerné est réputé n'avoir jamais existé ;

21-Considérant, dès lors, qu'en abrogeant les dispositions d'un texte qui est censé n'avoir jamais existé, l'article 10 de l'arrêté n°0685/PM du 24 décembre 2021 querellé contrevient aux dispositions ci-dessus rappelées de l'article 92 de la Constitution ; qu'il convient donc de déclarer ledit article 10 inconstitutionnel ;

22-Considérant qu'aux termes des dispositions des articles 34, alinéa 1er et 42, alinéa 7 de la loi organique sur la Cour Constitutionnelle, lorsque celle-ci constate la non-conformité partielle, elle se prononce sur le caractère séparable ou non des dispositions censurées ; que si le caractère non séparable est constaté, l'acte réglementaire ne peut être appliqué ; que la décision est notifiée au Président de la République et au Premier Ministre qui remédient à la situation juridique qui en résulte dans le délai d'un mois ;

23-Considérant qu'il est sans conteste que l'objet de l'arrêté n°0685/PM du 24 décembre 2021 critiqué est de déterminer les mesures qui permettent au Gouvernement d'inciter le plus grand nombre de personnes à se faire vacciner afin que dans un espace de temps très court, l'on puisse atteindre une immunité collective suffisamment élevée pour freiner la propagation du virus de la COVID-19 ; qu'au nombre desdites mesures figure celle édictée à l'article 6 de l'arrêté attaqué, lequel a été déclaré inconstitutionnel ; que par souci de cohésion des dispositions de l'arrêté incriminé entre elles, celles censurées de l'article 6 ne peuvent être séparées de l'ensemble du texte ; qu'il en est de même pour ce qui concerne les dispositions également censurées de l'article 10 de ce même arrêté, en ce qu'elles constituent les dispositions finales de celui-ci, qui, de ce fait, ne peuvent être séparées du reste du texte ;

24-Considérant qu'en vertu des dispositions précitées de l'alinéa 7 de l'article 42 de la loi organique sur la Cour Constitutionnelle qui rendent inapplicable le texte dont les dispositions censurées ont été déclarées non séparables et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de fond invoqués par les requérants, il y a lieu d'annuler l'arrêté n°0685/PM du 24 décembre 2021 fixant les nouvelles mesures gouvernementales de prévention, de lutte et de riposte contre la propagation de la COVID-19 ; que le Gouvernement doit remédier à la situation juridique qui en découle dans le délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision.

 D E C I D E :

Sur la forme

Article 1er : La procédure d'adoption de l'arrêté n°0685/PM du 24 décembre 2021 fixant les nouvelles mesures gouvernementales de prévention, de lutte et de riposte contre la propagation de la COVID-19 est régulière.

Au fond

Article 2 : Les dispositions des articles 6 et 10 dudit arrêté sont inconstitutionnelles.

Article 3 : Les dispositions des articles 6 et 10 ainsi censurées sont non séparables de l'ensemble du texte de l'arrêté n°0685/PM du 24 décembre 2021 fixant les nouvelles mesures gouvernementales de prévention, de lutte et de riposte contre la propagation de la COVID-19, ce qui rend ledit arrêté inapplicable.

Article 4 : En conséquence de cela, l'arrêté ci-dessus référencé est annulé.

Article 5 : Le Premier Ministre doit remédier à la situation juridique qui découle de l'annulation de cet arrêté dans le délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision.

Article 6 : La présente décision sera notifiée aux requérants, au Président de la République, au Premier Ministre, au Président du Sénat, au Président de l'Assemblée Nationale et publiée au Journal Officiel de la République Gabonaise ou dans un journal d'annonces légales.Ainsi délibéré et décidé par la Cour Constitutionnelle en sa séance du trente et un décembre deux mille vingt et un où siégeaient :

-Madame Marie Madeleine MBORANTSUO, Président ;

-Monsieur Emmanuel NZE BEKALE,

-Madame Louise ANGUE,

-Monsieur Christian BIGNOUMBA FERNANDES,

-Madame Lucie AKALANE,

-Monsieur Jacques LEBAMA,

-Madame Afriquita Dolorès AGONDJO ép. BANYENA,

-Monsieur Edouard OGANDAGA,

-Monsieur Sosthène MOMBOUA, membres ; assistés de Maître Jean Laurent TSINGA Greffier en Chef.

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