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JOURNAL OFFICIEL N°75 DU 16 AU 23 JUILLET 2020 DU 16 JUILLET 2020

Décision N° 026/CC du 19/06/2020 relative aux requêtes présentées par le Barreau du Gabon et la Chambre Nationale des Notaires du Gabon aux fins de voir déclarer inconstitutionnelle l'ordonnance n°00004/PR/2020 du 31 janvier 2020 portant Statut des Huissiers de Justice en République Gabonaise


AU NOM DU PEUPLE GABONAIS ;

LA COUR CONSTITUTIONNELLE ;

 

            Vu la requête enregistrée au Greffe de la Cour le 27 avril 2020, sous le numéro 013/GCC, par laquelle le Barreau du Gabon, représenté par son Bâtonnier, Maître Lubin NTOUTOUME, demeurant à Libreville, Boîte Postale 6968, téléphone 01 72 17 44, a déféré à la Cour Constitutionnelle, aux fins de contrôle de constitutionnalité, l'ordonnance n°00004/PR/2020 du 31 janvier 2020 portant Statut des Huissiers de Justice en République Gabonaise ;

            Vu la requête enregistrée au Greffe de la Cour le 27 avril 2020, sous le n°014/GCC, par laquelle la Chambre Nationale des Notaires du Gabon, représentée par son Président, Maître Célestin NDELIA, demeurant à Port-Gentil, Boîte Postale 1967, a saisi la Cour Constitutionnelle, aux fins de contrôle de constitutionnalité de l'ordonnance n°00004/PR/2020 du 31 janvier 2020 portant Statut des Huissiers de Justice en République Gabonaise ;

            Vu la Constitution ;

            Vu la loi organique n°9/91 du 26 septembre 1991 sur la Cour Constitutionnelle, modifiée par la loi organique n°004/2018 du 30 juillet 2018 ;

            Vu la loi organique n°009/2019 du 05 juillet 2019 portant organisation de la justice en République Gabonaise ;

            Vu la loi organique n°008/2019 du 05 juillet 2019 fixant l'organisation, la compétence et le fonctionnement des juridictions de l'Ordre Judiciaire ;

            Vu le règlement de procédure de la Cour Constitutionnelle n°035/CC/06 du 10 novembre 2006, modifié par le règlement de procédure n°047/CC/2018 du 20 juillet 2018 ;

            Vu la loi n°043/2018 du 05 juillet 2019 portant Code de Procédure Pénale ;

            Vu l'ordonnance n°1/PR/77 du 2 février 1977 portant Code de Procédure Civile ;

            Vu l'Acte Uniforme OHADA portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d'exécution ;

            Vu la loi n°013/2014 du 07 janvier 2015 fixant le cadre d'exercice de la profession d'Avocat en République Gabonaise ;

 

            Vu la loi n°8/73 du 20 décembre 1973 portant Statut des Notaires ;

            Vu les écritures responsives de Maîtres Florentin MBA MENIER et Nicaise EDZO OBIANG, Huissiers de Justice près les juridictions de Libreville, enregistrées au Greffe de la Cour les 20 et 25 mai 2020 ;

            Vu les observations du Ministre de la Justice, Garde des Sceaux, enregistrées au Greffe de la Cour le 22 mai 2020 ;

            Vu le mémoire en réplique de Maître Célestin NDELIA, en réaction aux écritures de Maître Florentin MBA MENIER datées du 19 mai 2020, enregistré au Greffe de la Cour le 26 mai 2020 ;

 

            Les Rapporteurs ayant été entendus ;

 

            1-Considérant qu'il est constant que les requêtes ci-dessus spécifiées concernent le même texte, l'ordonnance n°00004/PR/2020 du 31 janvier 2020 portant Statut des Huissiers de Justice en République Gabonaise, visent le même objet, à savoir l'inconstitutionnalité totale ou partielle de ladite ordonnance, sur le fondement des moyens similaires ; que pour une bonne administration de la justice, il convient de les joindre pour y être statué par une seule et même décision ;

 

Sur la recevabilité des requêtes en examen

 

            2-Considérant que dans leurs écritures enregistrées au Greffe de la Cour respectivement les 20 et 25 mai 2020, Maîtres Florentin MBA MENIER et Nicaise EDZO OBIANG, Huissiers de Justice près les juridictions de Libreville, soulèvent l'irrecevabilité des requêtes introduites par Maîtres Lubin NTOUTOUME et Célestin NDELIA, motifs pris de ce que ces derniers ne justifient d'aucun intérêt à agir car, selon eux, le texte attaqué, qui concerne les Huissiers de Justice, ne lèse en aucune façon les intérêts de la corporation des avocats, ni celle des notaires ; qu'ils en concluent que les requérants sont dépourvus de la qualité à agir ;

 

            3-Considérant qu'il appert de l'instruction que le Bâtonnier du Barreau du Gabon et le Président de la Chambre Nationale des Notaires du Gabon ont déféré à la Cour Constitutionnelle l'ordonnance n°00004/PR/2020 du 31 janvier 2020 portant Statut des Huissiers de Justice en République Gabonaise au motif que celle-ci, dans certaines de ses dispositions, attribue aux Huissiers de Justice les compétences qui sont les leurs ; qu'il suit de là qu'ils ont un intérêt à agir ; qu'en conséquence, leurs requêtes doivent être déclarées recevables ;

 

Sur le moyen tiré de l'annulation totale de l'ordonnance n°00004/PR/2020 du 31 janvier 2020 portant Statut des Huissiers de Justice en République Gabonaise

 

            4-Considérant que les requérants demandent à la Cour Constitutionnelle d'annuler l'ordonnance en cause, arguant de ce que en son article 5, il est écrit que ladite ordonnance organise la profession d'Huissier de Justice en République Gabonaise, lesquels Huissiers de Justice sont regroupés au sein d'une institution appelée Chambre Nationale des Huissiers de Justice ; qu'en tant que cette ordonnance organise l'activité d'une institution, elle relève du domaine organique ; que de ce fait et au regard des dispositions de l'article 85 de la Constitution, le Premier Ministre aurait dû la soumettre au contrôle préalable de la Cour Constitutionnelle avant sa publication ; que n'ayant pas respecté cette procédure, l'ordonnance querellée doit purement et simplement être annulée ;

 

            5-Considérant que pour leur part, Maîtres Florentin MBA MENIER et Nicaise EDZO OBIANG soutiennent que les demandes d'annulation totale de l'ordonnance attaquée, présentées par les requérants, ne sauraient être accueillies au regard des dispositions de l'article 47 dixième tiret de la Constitution ; qu'en effet, ladite ordonnance, qui a été prise dans le domaine traditionnel de la loi, ne nécessite pas le contrôle préalable de la Cour Constitutionnelle, ce d'autant plus que cette ordonnance ne fixe pas les règles relatives aux pouvoirs publics ; que le Ministre de la Justice, intervenant sur le même sujet a spécifié qu'en parcourant les dispositions constitutionnelles, aucune d'elles ne prévoit la prise d'une loi organique pour régir le Statut des Huissiers de Justice en République Gabonaise ;

 

            6-Considérant qu'il est constant que l'ordonnance critiquée, à l'instar des lois n°013/2014 du 07 janvier 2015 fixant le cadre d'exercice de la profession d'Avocat en République Gabonaise et n°8/73 du 20 décembre 1973 portant Statut des Notaires, fixe les règles d'une corporation qui est celle des Huissiers de Justice dans un domaine spécifique, à savoir celui de la Justice ; qu'il s'ensuit que si les règles organisant le domaine de la Justice ne peuvent être fixées que dans une loi organique, il en va tout autrement des règles régissant les statuts particuliers des personnels évoluant dans ce domaine, lesquelles règles font l'objet de lois ordinaires ; qu'en conséquence de ce qui précède, c'est à bon droit que le Statut des Huissiers de Justice en République Gabonaise a été prévu dans une loi ordinaire ; que le moyen invoqué est inopérant ;

 

Sur les articles 6 et 8 de l'ordonnance en examen

 

            7-Considérant que les requérants sollicitent de la Cour Constitutionnelle qu'elle déclare inconstitutionnelles les dispositions des articles 6 et 8 de l'ordonnance en cause en ce que lesdits articles donnent une compétence nationale à chaque Huissier de Justice alors qu'en tant qu'officier ministériel, les Huissiers de Justice ont une compétence territoriale limitée au ressort de la Cour d'Appel Judicaire à laquelle ils sont rattachés, ainsi qu'il en résulte des dispositions des articles 72, 129 deuxième tiret et 593 du Code de Procédure Civile qui limitent le territoire de l’Huissier de Justice à un rayon de 20 kilomètres autour de son Office ;

 

            8-Considérant que Maîtres Florentin MBA MENIER et Nicaise EDZO OBIANG rétorquent que les arguments développés par les requérants manquent de pertinence ;

 

            9-Considérant que l'article 6 de l'ordonnance n°00004/PR/2020 du 31 janvier 2020, en examen dispose : « l’Huissier de Justice exerce son office sur l'ensemble du territoire. » ;

 

            10-Considérant que l'article 8 de la même ordonnance prescrit : « l’Huissier de Justice a une compétence nationale. » ;

           

            11-Considérant qu'il est sans conteste que les

dispositions précitées des articles 6 et 8 de l'ordonnance critiquée contrarient celles des articles 72, 129 deuxième tiret et 593 du Code de Procédure Civile, loi de portée générale, lesquelles dispositions rattachent l’Huissier de Justice au ressort territorial d'une juridiction ; que le principe de compétence étant d'ordre public en ce qu'il fait partie de ceux qui garantissent le procès équitable, le fait pour l'ordonnance n°00004/PR/2020 du 31 janvier 2020, attaquée, d'attribuer une compétence nationale aux Huissiers de Justice viole le principe à valeur constitutionnelle du procès équitable ; qu'il y a lieu, par conséquent, de déclarer conforme à la Constitution les articles 6 et 8 de l'ordonnance n°00004/PR/2020 du 31 janvier 2020 suscitée, sous réserve de les reformuler ainsi qu'il suit :

 

Article 6 : « l’Huissier de Justice exerce son office sur son territoire de rattachement. » ;

 

Article 8 : « l’Huissier de Justice a une compétence territoriale de rattachement. » ;

 

Sur les articles 9, 13 et 29 de l'ordonnance en examen

 

            12-Considérant que les requérants dénoncent le fait que les dispositions des articles 9, 13 et 29 de l'ordonnance incriminée confèrent aux Huissiers de Justice la qualité d'officiers publics ministériels habilités à authentifier des actes et à percevoir des droits et émoluments fixés par les textes en vigueur, en violation des dispositions de l'article 8 de la loi n°8/73 du 20 décembre 1973 portant Statut des Notaires qui octroient à ces derniers le monopole de dressage et d'authentification des actes ainsi que celui de la qualité d'officiers publics ;

 

            13-Considérant que l'article 9 de l'ordonnance n°00004/PR/2020 du 31 janvier 2020 en examen dispose : « Les actes de l’Huissier de Justice sont des actes authentiques. Ils font foi jusqu'à inscription de faux. » ;

            14-Considérant que l'article 13 de la même ordonnance prescrit pour sa part : « l’Huissier de Justice est un auxiliaire de justice, Officier Public et Ministériel, exerçant une fonction semi-libérale. Il est titulaire d'un Office conféré par l'autorité publique. » ;

 

            15-Considérant que l'article 29 de l'ordonnance n°00004/PR/2020 du 31 janvier 2020 critiquée énonce : « l’Huissier de Justice ne peut prétendre qu'aux droits et émoluments fixés par les textes en vigueur. » ;

 

            16-Considérant qu'il résulte des dispositions précitées de l'ordonnance en cause que celles-ci font de l’Huissier de Justice un officier ministériel habilité à authentifier des actes ;

 

            17-Considérant qu'aux termes des dispositions des articles 8, 24 et 25 de la loi n°8/73 du 20 décembre 1973 susmentionnée, les notaires ont seuls le monopole de dressage des actes authentiques qui, de ce fait, font foi jusqu'à inscription de faux ; qu'en revanche, les Huissiers de Justice ont pour missions de signifier les actes et les exploits, faire les notifications prescrites par les lois et règlements      lorsque le mode de notification n'a pas été précisé et assurer l'exécution des décisions de justice ou des titres en forme exécutoire ; qu'en disposant ainsi qu'ils l'ont fait, les articles 9, 13 et 29 de l'ordonnance déférée créent une confusion dommageable entre les attributions des notaires et celles des Huissiers de Justice, en violation des principes de clarté et d'intelligibilité qui caractérisent la loi ; que pour être déclarés conformes à la Constitution, lesdits articles doivent être reformulés comme suit :

 

Article 9 : « Les actes de l’Huissier de Justice font foi jusqu'à la preuve du contraire. » ;

 

Article 13 : « L’Huissier de Justice est un auxiliaire de justice, Officier Ministériel, exerçant une fonction semi-libérale. Il est titulaire d'un Office conféré par l'autorité publique. » ;

 

Article 29 : « Les Huissiers de Justice ne peuvent prétendre qu'aux droits et émoluments fixés par le tarif des frais de justice, sous peine de restitution des sommes indûment perçues et sans préjudice de tous dommages-intérêts et de poursuites disciplinaires. » ;

 

Sur les articles 15 et 16 de l'ordonnance en examen

 

            18-Considérant que les requérants font valoir que l'article 15 de l'ordonnance querellée, en son dernier alinéa, fait intervenir l’Huissier de Justice à la phase judiciaire de recouvrement de créances dans la mesure où il y est stipulé que l’Huissier de Justice peut représenter les parties lorsque le Juge est saisi, alors que la représentation en justice est un monopole réservé aux seuls Avocats tel que le prévoit le Code de Procédure Civile ; que par rapport à l'article 16 de la même ordonnance, ils reprochent à celui-ci de permettre à l'Huissier de Justice, qui relève du pouvoir judiciaire, de s'immiscer dans le pouvoir exécutif et d'exercer des compétences dévolues à une autre catégorie d'auxiliaires, en ce que les Huissiers de Justice vont désormais passer des actes de commerce à travers la gestion d'immeubles et autres coopératives en même temps qu'ils vont devenir séquestres en lieu et place de la Caisse des Dépôts et Consignations ; que par ailleurs, les Huissiers de Justice vont également procéder aux expertises ;

 

            19-Considérant que l'article 15 dispose : « En tant qu'Officier Ministériel, l’Huissier de Justice a qualité pour :

 

-signifier les actes et les exploits ;

-faire les notifications prescrites par les lois et règlements lorsque le mode de notification n'a pas été précisé ;

-assurer l'exécution des décisions de justice et des actes ou titres en forme exécutoire ;

-procéder au recouvrement amiable ou judiciaire de toutes créances ;

-réaliser la vente publique des meubles et effets mobiliers corporels saisis par lui.

 

            L'Huissier de Justice peut être commis par la Justice ou requis par les tiers pour effectuer des constatations purement matérielles exclusives de tous avis sur les conséquences de fait ou de droit en résultant.

 

            En cas de difficulté, dans l'exercice de ses fonctions ou la mise en œuvre d'un titre exécutoire, l’Huissier de Justice saisit la juridiction compétente et représente à cette occasion la ou les parties pour le compte desquelles il agit. » ;

 

            20-Considérant que l'article 16 édicte : « l’Huissier de Justice peut exercer, également, les activités accessoires suivantes :

 

-gestion d'immeubles ;

-rédaction des baux ;

-négociation, conciliation, médiation et arbitrage, séquestre ;

-gestion de coopératives agricoles, piscicoles et autres activités similaires ou connexes ;

-enseignement, recherche, formation et expertise. » ;

 

            21-Considérant que tels que formulés, les articles 15 et 16 de l'ordonnance n°00004/PR/2020 du 31 janvier 2020 suscitée créent de toute évidence un conflit de compétence entre les Avocats et les Huissiers de Justice, alors qu'aux termes des dispositions de l'article 42 du Code de Procédure Civile, les Avocats inscrits au Barreau du Gabon ont seuls qualité pour représenter les parties en justice ; qu'en outre, en donnant pouvoir aux Huissiers de Justice de gérer des immeubles, rédiger des baux et actes de commerce en plus de procéder aux expertises et de devenir séquestres, l'article 16 de cette même ordonnance confie aux Huissiers de Justice des attributions qui relèvent d'autres organes et auxiliaires de justice, le tout au détriment des règles régissant l'organisation de la justice en République Gabonaise et des dispositions de l'article 48 de l'Acte Uniforme OHADA portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d'exécution ;

 

            22-Considérant que pour être déclarés conformes à la Constitution, les articles 15 et 16 de l'ordonnance n°00004/PR/2020 du 31 janvier 2020 en examen doivent être réécrits ainsi qu'il suit :

 

Article 15 : « En tant qu'Officier Ministériel, l’Huissier de Justice a qualité pour :

 

-dresser les actes ;

-signifier les actes et les exploits ;

-faire les notifications prescrites par les lois et règlements lorsque le mode de notification n'a pas été précisé ;

-assurer l'exécution des décisions de justice et des actes ou titres en forme exécutoire ;

-procéder au recouvrement amiable ou judiciaire de toutes créances ;

-réaliser la vente publique des meubles et effets mobiliers corporels saisis par lui.

 

            L'Huissier de Justice peut être commis par la Justice ou requis par les tiers pour effectuer des constatations purement matérielles exclusives de tous avis sur les conséquences de fait ou de droit en résultant. Sauf en matière pénale où elles ont valeur de simples renseignements, ces simples constatations font foi jusqu'à preuve contraire.

 

            En cas de difficulté dans la mise en œuvre d'un titre exécutoire, l’Huissier de Justice peut prendre l'initiative de saisir le Juge de l'Urgence institué à l'article 49 de l'Acte Uniforme OHADA portant Organisation des Procédures Simplifiées de Recouvrement et des Voies d'Exécution. » ;

 

Article 16 : « l’Huissier de Justice peut exercer, également, les activités accessoires suivantes : négociation et conciliation ; enseignement, recherche et formation. » ;

 

Sur l'article 30 alinéa 3 de l'ordonnance en examen

 

            23-Considérant que les requérants font grief aux dispositions de l'alinéa 3 de l'article 30 de l'ordonnance critiquée d'annihiler la volonté des parties et de les obliger à rester en conflit, ce qu'ils estiment contraire à la liberté de s'engager garantie par la Constitution ;

 

            24-Considérant que l'article 30 prévoit en son alinéa 3 : « Le créancier conserve la liberté de transiger sur ses intérêts, directement, par son représentant légal ou son mandataire. Toutefois, cette transaction n'est opposable à l’Huissier de Justice que s'il a été associé à celle-ci. » ;

 

            25-Considérant qu'à l'analyse, il est constant que la dernière phrase de l'alinéa 3 oblige effectivement le créancier à demeurer en conflit avec son débiteur, alors même que dans la première partie dudit alinéa il lui est reconnu la liberté de transiger ; qu'en conséquence, en disposant ainsi qu'il l'a fait, l'alinéa 3 dudit article contrevient aux dispositions de l'article 308 du Code de Procédure Civile qui laissent toute la latitude au créancier de mettre un terme à son action par la transaction qu'il peut conclure avec son débiteur ; qu'il suit de là que pour être déclaré conforme à la Constitution, l'alinéa 3 doit être amputé du membre de phrase suivant : « Toutefois, cette transaction n'est opposable à l’Huissier de Justice que s'il a été associé à celle-ci » ;

 

Sur l'article 37 de l'ordonnance en examen

 

            26-Considérant que les requérants s'élèvent contre les dispositions de l'article 37 de l'ordonnance déférée aux motifs que ledit article autorise l'Huissier de Justice à instrumenter même lorsqu'il existe des liens de proximité entre lui et la partie adverse, en violation du principe du procès équitable consacré par la Constitution ;

 

            27-Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article 416 du Code de Procédure Pénale, qui est une loi de portée générale, l’Huissier de Justice ne peut instrumenter pour lui-même, pour son conjoint, pour ses parents et alliés en ligne directe, ni pour ses parents et alliés collatéraux, jusqu'au degré de cousin issu de germain inclusivement ;

 

            28-Considérant qu'en disposant exactement le contraire de ce qui est formellement interdit à l’Huissier de Justice par les dispositions précitées de la loi, l'alinéa 2 de l'article 37 de l'ordonnance incriminée contrevient aux dispositions de l'article 416, alinéa 3 du Code de Procédure Pénale ; qu'en conséquence, pour être déclaré conforme à la Constitution, l'alinéa 2 de l'article 37 doit être réécrit de la manière suivante : « Toutefois, il s'interdira de le faire pour :

 

-lui-même ;

-son conjoint ;

-ses parents et alliés et ceux de son conjoint, en ligne directe ;

-ses parents et alliés collatéraux, jusqu'au degré de cousin issu de germain inclusivement.

 

            Cette interdiction s'appliquera également en cas d'existence d'un lien d'amitié ou de subordination avec la partie adverse de son mandant. » ;

 

            29-Considérant qu'aux termes des dispositions de l'alinéa 2 de l'article 40 de la loi organique sur la Cour Constitutionnelle, à l'occasion d'un contrôle de constitutionnalité, celle-ci peut soulever des moyens d' office en cas de violation manifeste de la Constitution ou des principes à valeur constitutionnelle ; qu'en application de ses dispositions, la Cour Constitutionnelle a relevé des inconstitutionnalités qui entachent les dispositions d'un certain nombre d'articles de l'ordonnance n°00004/PR/2020 du 31 janvier 2020 portant Statut des Huissiers de Justice en République Gabonaise ;

 

Sur les articles 1er, 2, 3 et 11 de l'ordonnance en examen

 

            30-Considérant que l'article 1er de l'ordonnance en cause dispose : « La présente ordonnance porte statut des Huissiers de Justice en République Gabonaise » ;

 

            31-Considérant que l'article 2 du même texte prévoit : « Le ministère d'Huissier de Justice est assuré sur le territoire de la République gabonaise par l'Huissier titulaire d'un office ;

 

            32-Considérant que l'article 3 de l'ordonnance critiquée édicte : « L'office d'Huissier de Justice est créé et supprimé par décret pris en Conseil des Ministres sur proposition du Ministre chargé de la Justice. » ; que l'article 11, quant à lui, énonce : « L’Huissier de Justice est saisi par écrit ou verbalement. La remise à l’Huissier de Justice de documents vaut mandat d'instrumenter.

 

            Cette remise, en matière d'exécution, peut être faite par celui à qui profite la décision, par son représentant légal ou par son mandataire. » ;

 

            33-Considérant qu'au nombre des valeurs constitutionnelles qui caractérisent une loi figurent la lisibilité et l'applicabilité de celle-ci ; qu'en analysant les dispositions ci-dessus rappelées des articles 1er, 2, 3 et 11, on relève plusieurs imprécisions et parfois des confusions ou autres contradictions qui rendent lesdits articles inintelligibles, voire inapplicables ; qu'aussi, pour être déclarés conformes à la Constitution, doivent-ils être reformulés ainsi qu'il suit :

 

Article 1er : « La présente ordonnance, prise en application des dispositions de l'article 47 de la Constitution, porte statut des Huissiers de Justice en République Gabonaise.

 

            Le ministère d'Huissier de Justice est assuré sur le territoire de la République gabonaise par l'Huissier titulaire d'un office. » ;

 

Article 2 : « Les Huissiers de Justice sont les officiers ministériels qui ont qualité pour signifier les actes et les exploits, faire les notifications prescrites par les lois et règlements lorsque le mode de notification n'a pas été précisé et assurer l'exécution des décisions de justice ou des titres en forme exécutoire. » ;

 

Article 3 : « L'office d'Huissier de Justice est créé et supprimé par décret du Président de la République pris en Conseil des Ministres, sur proposition du Ministre chargé de la Justice. » ;

 

Article 11 : « L'Huissier de Justice est saisi par écrit ou verbalement.

 

            En matière d'exécution, la remise à l'Huissier de Justice de documents vaut mandat d'instrumenter. Cette remise peut être faite personnellement par celui à qui profite la décision, par son représentant légal ou par son mandataire. » ;

 

Sur les articles 10 et 12 de l'ordonnance en examen

 

            34-Considérant que l'article 10 de l'ordonnance déférée édicte : « Le temps d'accomplissement des actes et exploits d'Huissier de Justice est celui prescrit par les lois en vigueur.

 

            Toutefois, en matière de constatations purement matérielles, l’Huissier de Justice peut instrumenter au-delà des heures légales et pendant les jours fériés, de fêtes légales et non ouvrables, sauf dans les lieux servant à l'habitation. » ;

 

            35-Considérant que l'article 12 de la même ordonnance prescrit : « Dans l'exercice de ses fonctions, l’Huissier de Justice peut requérir la force publique.

 

            En cas d'exécution forcée des décisions de justice et autres titres exécutoires, la formule exécutoire vaut réquisition directe de la force publique, sans préjudice des décisions exécutoires sur simple minute.

 

            Dans les autres cas, l’Huissier de Justice saisit le Parquet de la République. » ;

 

            36-Considérant qu'en permettant à l’Huissier de Justice d'instrumenter au-delà des heures légales et pendant les jours fériés, il est manifeste que le deuxième alinéa de l'article 10 viole les dispositions de l'article 71 du Code de Procédure Civile selon lesquelles, aucune signification, exécution ou constat ne peut être fait avant six heures du matin et après sept heures du soir, non plus les jours fériés et de fête légale si ce n'est en vertu de la permission du Juge dans le cas où il y aurait péril en la demeure , qu'en conséquence, il y a lieu de censurer les dispositions de l'alinéa 2 de l'article 10 de l'ordonnance incriminée et de déclarer celles-ci séparables de l'ensemble du texte , qu'il s'ensuit que l'article 10 de l'ordonnance en examen devra désormais se lire ainsi qu'il suit :

   

Article 10 : « Le temps d'accomplissement des actes et exploits d'Huissier de Justice est celui prescrit par les lois en vigueur. » ;

 

            37-Considérant, s'agissant de l'article 12 de l'ordonnance n°00004/PR/2020 du 31 janvier 2020 susvisée, que c'est le même principe de recours au Juge qui s'impose à l’Huissier de Justice lorsqu'il doit procéder à une exécution forcée afin de bénéficier de l'assistance de la force publique, que pour être déclaré conforme à la Constitution, ledit article doit être réécrit ainsi qu'il suit :

 

Article 12 : « En cas d'exécution forcée des décisions de justice et autres titres exécutoires, l’Huissier de Justice, dans l'exercice de ses fonctions, peut solliciter du Procureur de la République l'assistance de la force publique. » ;

 

Sur l'article 14 de l'ordonnance en examen

 

            38-Considérant que l'article 14 de l'ordonnance attaquée énonce : « En tant qu'Officier Public, l’Huissier de Justice a qualité pour :

 

-dresser et authentifier les actes ;

-assister aux audiences solennelles et aux audiences publiques ;

-procéder à l'appel des causes ;

-assurer le maintien de l'ordre à l'occasion des audiences sous l'autorité du Président de séance ;

-signifier les actes de procédure ;

-effectuer le recouvrement des créances publiques. » ;

 

            39-Considérant qu'il résulte des dispositions des lois fixant l'organisation, la composition, la compétence et le fonctionnement des trois ordres de juridictions que la police d'audience est assurée par le Président de la formation de jugement ; qu'il en est de même de l'appel des causes ; que dès lors, en attribuant ces missions aux Huissiers de Justice, l'article 14 est contraire à la loi ; qu'il y a lieu de le censurer et de déclarer ces dispositions séparables de l'ensemble du texte ;

 

Sur l'article 24 de l'ordonnance en examen

 

            40-Considérant que l'article 24 prévoit que : « Les personnes admises à exercer les fonctions d'Huissier de Justice doivent, avant leur entrée en fonction, prêter devant la Cour de Cassation le serment suivant : « JE JURE DE ME CONFORMER AUX LOIS ET REGLEMENTS CONCERNANT MON MINISTERE AVEC EXACTITUDE ET PROBITE » ;

 

            41-Considérant que le serment étant un engagement que prend l'impétrant de bien assumer ses missions, sa formule doit être rédigée dans des termes qui résument de manière intelligible cet engagement ; que tel n'est pas le cas de la formule du serment prévue à l'article 24 ; que pour être déclaré conforme à la Constitution, l'article 24 de l'ordonnance en cause doit être réécrit de la manière suivante :

 

Article 24 : « Les personnes admises à exercer les fonctions d'Huissier de Justice doivent, avant leur entrée en fonction, prêter devant la Cour de Cassation le serment suivant : « JE JURE DE LOYALEMENT REMPLIR MES FONCTIONS AVEC EXACTITUDE ET PROBITE ET D'OBSERVER EN TOUT LES DEVOIRS QU'ELLES M'IMPOSENT. »;

 

Sur l'article 31 de l'ordonnance en examen

 

            42-Considérant que l'article 31 de l'ordonnance n°00004/PR/2020 du 31 janvier 2020 portant statut des Huissiers de justice en République Gabonaise prescrit : « Les contestations relatives au montant des frais et émoluments sont portées devant la Chambre Nationale des Huissiers de justice et, le cas échéant, devant le Président du Tribunal du lieu de l'exécution, agissant en qualité de Juge de l'exécution. » ;

 

            43-Considérant qu'il est de règle que les missions que l'Huissier de justice accomplit sont contrôlées par la juridiction de rattachement ; que dès lors, en cas de contestation sur le montant des frais et émoluments, c'est le Président du Tribunal du lieu de l'exécution qui tranche lesdites contestations et non pas la Chambre Nationale des Huissiers de justice ; qu'il suit de là, que pour être déclaré conforme à la Constitution, l'article 31 doit être reformulé ainsi qu'il suit :

 

Article 31 : « Les contestations relatives au montant des frais et émoluments sont portées devant le Président du Tribunal du lieu de l'exécution, agissant en qualité de luge de l'exécution. » ;

 

Sur les articles 32, 47, 48, 49, 82, 83 et 84 de l'ordonnance en examen

 

            44-Considérant que l'article 32 dispose : « l’Huissier de Justice a droit, dans l'exercice de ses fonctions, à la protection de l'Etat contre toute atteinte à son intégrité morale et physique. » ;

 

            45-Considérant que l'article 47 énonce : « aucune enquête préliminaire des autorités des forces de Sécurité et de Défense ne peut être menée contre un Huissier de justice suspecté d'une infraction sans que le Président de la Chambre Nationale des Huissiers de justice n'en soit, préalablement, tenu informé par tous moyens.

 

            Les procès-verbaux d'enquêtes, dressés en violation de cette disposition, sont nuls et de nul effet. » ;

 

            46-Considérant que l'article 48 prescrit : « Le dossier de l'enquête est transmis par le Procureur de la République, au Ministre de la Justice Garde des Sceaux, avec avis motivé du bureau de la Chambre Nationale des Huissiers de justice, aux fins, s'il y a lieu, d'engager des poursuites pénales, sauf en cas de flagrance. » ;

 

            47-Considérant que l'article 49 édicte : « Aucune poursuite pénale contre l’Huissier de Justice ne peut être engagée par la voie d'une citation directe. » ;

 

            48-Considérant que l'article 82 dispose : « Lorsqu'un Huissier de justice se rend coupable à l'audience d'une infraction, le Président de la juridiction concernée suspend immédiatement l'audience, saisit le Ministère Public qui requiert la présence à l'audience du Président de la Chambre Nationale ou de son représentant.

 

            L'Huissier de justice mis en cause est inculpé suivant la procédure de flagrant délit, sans préjudice des poursuites disciplinaires. » ;

 

            49-Considérant que l'article 83 énonce : « Toute plainte ou dénonciation contre un Huissier de justice est obligatoirement notifiée au Président de la Chambre Nationale des Huissiers de justice par le Procureur de la République du ressort. Ce dernier est tenu d'en informer le Procureur Général près la Cour d'Appel du ressort où les faits ont été commis.

 

            En cas de saisine directe du Président de la Chambre Nationale des Huissiers de justice, celui-ci est tenu d'informer le Procureur de la République du ressort. » ;

 

            50-Considérant que l'article 84 prévoit : « Lorsque les faits dénoncés sont constitutifs d'infraction, il est procédé comme prévu aux articles 44 à 48 ci-dessus sans préjudice pour le bureau de la Chambre Nationale des Huissiers de Justice, agissant en qualité de conseil de discipline, d'instruire, par un de ses membres désignés par le Président, l'affaire et d'en dresser rapport. » ;

 

            51-Considérant qu'aux termes des dispositions de l'alinéa 2 de l'article 2 de la Constitution, tous les citoyens sont égaux devant la loi ; qu'il en résulte que pour bénéficier d'un traitement particulier, il faut que la Constitution elle-même l'ait prévu, ce qui n'est pas le cas pour les Huissiers de Justice ; que dès lors, les articles suscités, qui accordent à cette catégorie de citoyens un traitement privilégié, sont contraires aux dispositions précitées de la Constitution ; que lesdits articles doivent donc être censurés, et les dispositions des articles 32, 47, 48 et 49 déclarées séparables de l'ensemble du texte, tandis que les articles 82, 83 et 84, pour être déclarés conformes à la Constitution, doivent être reformulés ainsi qu'il suit :

 

Article 82 : « Lorsqu'un Huissier de Justice se rend coupable à l'audience d'une infraction, le président de la formation de jugement saisit immédiatement le Ministère Public qui l'inculpe selon la procédure de flagrant délit, sans préjudice de poursuites disciplinaires. » ;

 

Article 83 : « Toute plainte ou dénonciation contre un Huissier de Justice est notifiée au Procureur de la République du ressort. Ce dernier est tenu d'en informer le Procureur Général près la Cour d'Appel Judiciaire du ressort où les faits ont été commis.

 

            En cas de saisine directe du président de la Chambre Nationale des Huissiers de Justice, celui-ci est tenu d'informer le Procureur de la république du ressort. » ;

 

Article 84 : « Lorsque les faits dénoncés sont constitutifs d'infraction, il est procédé comme prévu à l'article 45 ci-dessus sans préjudice pour le bureau de la Chambre Nationale des Huissiers de Justice, agissant en qualité de conseil de discipline, d'instruire, par un de ses membres désignés par le président, l'affaire et d'en dresser rapport. » ;

 

Sur l'article 43 de l'ordonnance en examen

 

            52-Considérant que l'article 43 de l'ordonnance déférée dispose : « Le grand livre contient des comptes spéciaux ouverts au nom des parties, avec indication de toutes les sommes inscrites au débit et au crédit de leurs opérations comptables.

 

            A l'expiration de chaque année et dans le délai d'un mois, l’Huissier de Justice adresse au Procureur Général, qui le transmet au Ministre de la Justice, Garde des Sceaux, avec ses observations, un compte rendu sommaire des sommes consignées entre leurs mains ainsi que celles qui ont été utilisées ou restituées aux parties. » ;

 

            53-Considérant que pour une meilleure lisibilité et intelligibilité des dispositions dudit article, il convient de le reformuler ainsi qu'il suit :

 

Article 43 : « Le grand livre contient l'indication des sommes reçues lors des exécutions, aux noms des parties, avec mention de toutes les sommes déduites représentant le coût de leurs opérations d'exécution.

 

            A l'expiration de chaque année et dans le délai d'un mois, l’Huissier de Justice adresse au Procureur Général près la Cour d'Appel Judiciaire du ressort, qui le transmet au Ministre de la Justice, Garde des Sceaux, avec ses observations, un compte-rendu sommaire des exécutions par lui réalisées, les émoluments perçus ainsi que ceux qui ont été utilisés ou restitués aux parties. » ;

 

Sur l'article 50 de l'ordonnance en examen

 

            54-Considérant que l'article 50 de l'ordonnance incriminée édicte : « Dans le cadre de l'exécution d'un titre exécutoire, l’Huissier de Justice conduit les opérations de recherche d'informations sur le patrimoine des débiteurs, notamment pour en identifier la nature, l'étendue et la situation, et pour lever les obstacles éventuels, y compris le secret bancaire.

 

            En cas de difficulté, l’Huissier de Justice se fait assister par le Parquet de la République du ressort. » ;

 

            55-Considérant que la Constitution garantit le respect de la vie privée des citoyens ; qu'à ce titre, les lois prescrivent l'inviolabilité du secret bancaire, lequel ne peut être levé que par le juge, gardien des libertés individuelles ; que l'alinéa 1er de l'article 50, en permettant à l’Huissier de Justice, sans autorisation préalable du juge, de requérir des informations sur la situation bancaire du débiteur en la cause, contrevient à la Constitution ; que pour être déclaré conforme à la Constitution, l’article 50 de l'ordonnance déférée doit être réécrit ainsi qu'il suit :

 

Article 50 : « Dans le cadre de l'exécution d'un titre exécutoire, l’Huissier de Justice procède aux opérations d'exécution sur les biens connus et déterminés du débiteur.

 

            En cas d'absence d'informations suffisantes sur l'étendue du patrimoine des débiteurs, l’Huissier de Justice, sur autorisation préalable du Président du Tribunal du ressort, peut obtenir la levée des obstacles éventuels y compris le secret bancaire. » ;

 

Sur l'article 51 de l'ordonnance en examen

 

            56-Considérant que l'article 51 de l'ordonnance querellée dispose : « Toute somme recouvrée par l’Huissier de Justice dans l'exercice de ses fonctions doit obligatoirement transiter par la comptabilité de son office » ;

 

            57-Considérant que l'inconstitutionnalité qui entache les dispositions de l'article 16 de l'ordonnance attaquée, en ce qu'elles font des Huissiers de Justice des séquestres en lieu et place de la Caisse des Dépôts et Consignations, vaut pour l'article 51 qui, pour être déclaré conforme à la Constitution, doit être libellé de la manière suivante :

 

Article 51 : « Toute somme recouvrée par l’Huissier de Justice dans l'exercice de ses fonctions doit être obligatoirement transcrite dans la comptabilité de son office et, soit reversée directement entre les mains du mandant contre quittance, soit déposée à la Caisse des Dépôts et Consignations. » ;

 

Sur l'article 56 de l'ordonnance en examen

 

            58-Considérant qu'au tiret septième de l'alinéa 2 de l'article 56 de l'ordonnance incriminée, il est stipulé que : « donner son avis sur :

-les dispenses de stages et d'obtention du diplôme d'Huissier de Justice ;

-la liste des candidats admis à se présenter au concours d'accès à la formation d'Huissier de Justice ;

-la liste des Huissiers de Justice composant le jury des concours d'accès à la formation d'Huissier de Justice ;

-la nomination d'un Huissier de Justice par le Ministre de la Justice, Garde des Sceaux. » ;

 

            59-Considérant que les prérogatives ainsi conférées au bureau de la Chambre Nationale des Huissiers de Justice sont plutôt celles dont jouit le Ministre de la Justice, Garde des Sceaux ; qu'en conséquence, le septième tiret de l'alinéa 2 de l'article 56 doit être censuré et séparé de l'ensemble des dispositions de l'article en cause ;

 

Sur l'article 61 de l'ordonnance en examen

 

            60-Considérant que l'article 61 de l'ordonnance critiquée édicte : « Les clercs prêtent devant le Tribunal judiciaire de Première Instance du ressort de l'office auquel ils sont attachés, le serment prescrit par les dispositions de l'article 23 ci-dessus. » ;

 

            61-Considérant qu'étant donné que l'ordonnance querellée fait du seul Huissier de Justice, titulaire d'une charge, le responsable des actes posés dans l'accomplissement de ses missions et précise que les clercs ne sont que des employés des Huissiers de Justice, ces derniers ne peuvent pas être astreints à l'obligation de prêter serment ; qu'il échet de censurer l'article 61 et de le déclarer séparable de l'ensemble du texte ;

 

            62-Considérant que les articles 74 et 77 de la même ordonnance, qui font état du serment des clercs, doivent désormais se lire ainsi qu'il suit :

 

Article 74 : « La cessation des fonctions de clercs intervient dans les cas suivants :

 

-décès ;

-âge limite de la retraite fixée à 60 ans révolus ;

-démission régulièrement notifiée au titulaire de la charge ;

-licenciement ;

-radiation, notamment, lorsque le clerc a fait l'objet d'une condamnation pénale. Cette radiation est prononcée par le conseil de discipline. » ;

 

Article 77 : « Le clerc réintégré fait l'objet d'une inscription au registre spécial mentionné ci-dessus. » ;

 

Sur l'article 102 de l'ordonnance en examen

 

            63-Considérant que l'article 102 de l'ordonnance déférée énonce : « Le recours est suspensif d'exécution. » ;

 

 

            64-Considérant que pour éviter que l’Huissier de Justice condamné ne dissipe les sommes d'argent perçues ou les biens et afin de garantir la sécurité juridique aux parties, il importe de rendre le recours non suspensif de l'exécution ; qu'ainsi, l'article 102 de l'ordonnance querellée doit être reformulé ainsi qu'il suit :

 

Article 102 : « Le recours n'est pas suspensif d'exécution. » ;

 

            65-Considérant que les articles 14, 32, 47, 48, 49 et 61 de l'ordonnance critiquée ayant été déclarés séparables de l'ensemble du texte, il convient de souligner que la numérotation des articles du nouveau texte ne sera plus la même que celle de l'ancien texte.

 

D E C I D E :

 

Article 1er : Pour une bonne lisibilité de l'ensemble des dispositions de l'ordonnance n°00004/PR/2020 du 31 janvier 2020 portant Statut des Huissiers de Justice en République Gabonaise, il est créé un article 2 libellé ainsi qu'il suit :

 

-Article 2 : « Les Huissiers de Justice sont les officiers ministériels qui ont qualité pour signifier les actes et les exploits, faire les notifications prescrites par les lois et règlements lorsque le mode de notification n'a pas été précisé et assurer l'exécution des décisions de justice ou des titres en forme exécutoire. ».

 

Article 2 : Les articles 14, 32, 47, 48, 49 et 61 sont censurés et séparables de l'ensemble du texte.

 

Article 3 : Les articles 1er, 3, 6, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 15, 16, 24, 29, 30, 31, 37, 43, 50, 51, 56, 74, 77, 82, 83, 84 et 102 sont conformes à la Constitution, sous réserve de les reformuler ainsi qu'il suit :

 

-Article 1er : « La présente ordonnance, prise en application des dispositions de l'article 47 de la Constitution, porte statut des Huissiers de Justice en République Gabonaise.

 

            Le ministère d'Huissier de Justice est assuré sur le territoire de la République Gabonaise par l'Huissier titulaire d'un office. ».

 

-Article 3 : « L'office d'Huissier de Justice est créé et supprimé par décret du Président de la République pris en Conseil des Ministres, sur proposition du Ministre chargé de la Justice. ».

 

-Article 6 : « L’Huissier de Justice exerce son office sur son territoire de rattachement. ».

 

-Article 8 : « L’Huissier de Justice a une compétence territoriale de rattachement. ».

 

-Article 9 : « Les actes de l’Huissier de Justice font foi jusqu'à preuve du contraire. ».

 

-Article 10 : « Le temps d'accomplissement des actes et exploits d'Huissier de Justice est celui prescrit par les lois en vigueur. ».

 

-Article 11 : « l’Huissier de Justice est saisi par écrit ou verbalement.

 

            En matière d'exécution, la remise à l’Huissier de Justice de documents vaut mandat d'instrumenter. Cette remise peut être faite personnellement par celui à qui profite la décision, par son représentant légal ou par son mandataire. ».

 

-Article 12 : « En cas d'exécution forcée des décisions de justice et autres titres exécutoires, l’Huissier de Justice, dans l'exercice de ses fonctions, peut solliciter du Procureur de la République l'assistance de la force publique. ».

 

-Article 13 : « L’Huissier de Justice est un auxiliaire de justice, Officier Ministériel, exerçant une fonction semi-libérale. Il est titulaire d'un Office conféré par l'autorité publique. ».

 

-Article 15 : « En tant qu'Officier Ministériel, l’Huissier de Justice a qualité pour :

 

-dresser les actes ;

-signifier les actes et les exploits ;

-faire les notifications prescrites par les lois et règlements lorsque le mode de notification n'a pas été précisé ;

-assurer l'exécution des décisions de justice et des actes ou titres en forme exécutoire ;

-procéder au recouvrement amiable de toutes créances ;

-réaliser la vente publique des meubles et effets mobiliers corporels saisis par lui.

 

            L'Huissier de Justice peut être commis par justice ou requis par les tiers pour effectuer des constatations purement matérielles exclusives de tous avis sur les conséquences de fait ou de droit en résultant. Sauf en matière pénale où elles ont valeur de simples renseignements, ces simples constatations font foi jusqu'à preuve contraire.

 

            En cas de difficulté dans la mise en œuvre d'un titre exécutoire, l’Huissier de Justice peut prendre l'initiative de saisir le Juge de l'Urgence institué à l'article 49 de l'Acte Uniforme OHADA portant Organisation des Procédures Simplifiées de Recouvrement et des Voies d'Exécution.

 

            L'huissier ou l'agent d'exécution délaisse ainsi, aux frais du débiteur, assignation à comparaître aux parties, en les informant des jour, heure et lieu de l'audience au cours de laquelle la difficulté sera examinée. Il ne représente aucune des parties et doit leur donner connaissance du fait qu'une décision pourra être rendue en leur absence. ».

 

-Article 16 : « L’Huissier de Justice peut exercer, également, les activités accessoires suivantes :

 

-négociation et conciliation ;

-enseignement, recherche et formation. ».

 

-Article 24 : « Les personnes admises à exercer les fonctions d'Huissier de Justice doivent, avant leur entrée en fonction, prêter devant la Cour de Cassation le serment suivant : « JE JURE DE LOYALEMENT REMPLIR MES FONCTIONS AVEC EXACTITUDE ET PROBITE ET D'OBSERVER EN TOUT LES DEVOIRS QU'ELLES M'IMPOSENT. ».

 

-Article 29 : « Les Huissiers de Justice ne peuvent prétendre qu'aux droits et émoluments fixés par le tarif des frais de justice sous peine de restitution des sommes indument perçues et sans préjudice de tous dommages-intérêts et de poursuites disciplinaires. ».

 

-Article 30 : « En toute matière, l’Huissier de Justice a le droit d'exiger du demandeur, contre quittance, le versement préalable de tous frais, sous la forme d'une provision relative au déplacement, au coût des actes ainsi qu'aux débours à exposer dans le cadre de l'accomplissement de ses diligences.

 

            Tout règlement effectué en des mains autres que celles de l’Huissier de Justice mandataire n'exonère pas le débiteur poursuivi du paiement de ce qu'il doit à l’Huissier de Justice, conformément aux textes en vigueur.

 

            Le créancier conserve la liberté de transiger sur ses intérêts, directement, par son représentant légal ou son mandataire. ».

 

-Article 31 : « Les contestations relatives au montant des frais et émoluments sont portées devant le Président du Tribunal du lieu de l'exécution, agissant en qualité de Juge de l'exécution. ».

 

-Article 37 : « L’Huissier de Justice est tenu d'exercer son ministère chaque fois qu'il en est légalement requis.

 

            Toutefois, il s'interdira de le faire pour :

 

-lui-même ;

-son conjoint ;

-ses parents et alliés et ceux de son conjoint, en ligne directe ;

-ses parents et alliés collatéraux, jusqu'au degré de cousin issu de germain inclusivement.

 

            Cette interdiction s'appliquera également en cas d'existence d'un lien d'amitié ou de subordination avec la partie adverse de son mandant. ».

 

-Article 43 : « Le grand livre contient l'Indication des sommes reçues lors des exécutions, aux noms des parties, avec mention de toutes les sommes déduites représentant le coût de leurs opérations d'exécution.

 

            A l'expiration de chaque année et dans le délai d'un mois, l’Huissier de Justice adresse au Procureur Général près la Cour d'Appel Judiciaire du ressort, qui le transmet au Ministre de la Justice, Garde des Sceaux, avec ses observations, un compte-rendu sommaire des exécutions par lui réalisées, les émoluments perçus ainsi que ceux qui ont été utilisés ou restitués aux parties. ».

 

-Article 50 : « Dans le cadre de l'exécution d'un titre exécutoire, l’Huissier de Justice procède aux opérations d'exécution sur les biens connus et déterminés du débiteur.

 

            En cas d'absence d'informations suffisantes sur l'étendue du patrimoine des débiteurs, l’Huissier de Justice, sur autorisation préalable du Président du Tribunal du ressort, peut obtenir la levée des obstacles éventuels y compris le secret bancaire. ».

 

-Article 51 : « Toute somme recouvrée par l’Huissier de Justice dans l'exercice de ses fonctions doit être obligatoirement transcrite dans la comptabilité de son office et, soit reversée directement entre les mains du mandant contre quittance, soit déposée à la Caisse des Dépôts et Consignations. ».

 

-Article 56 : « Le Bureau de la Chambre Nationale des

Huissiers de Justice détermine son action sous la conduite de son Président.

 

            A ce titre, il est chargé de :

 

-élaborer des propositions à soumettre aux pouvoirs publics aux fins de toutes modifications de textes intéressant la profession ;

-constituer des commissions ou des groupes de travail composés d'Huissiers de Justice et éventuellement de toutes personnes qualifiées ayant pour mission d'étudier des questions intéressant la profession. Ces commissions et groupes de travail rendent compte de leur travail au Bureau de la Chambre Nationale des Huissiers de Justice ;

-instruire les litiges d'ordre professionnel et les soumettre pour décision, selon le cas, soit au conseil de discipline, soit à l'Assemblée Générale, soit au Ministre de la Justice, Garde des Sceaux, sous réserve des cas dans lesquels il est habilité à agir seul ;

-organiser et proposer le budget de toutes les œuvres sociales intéressant les Huissiers de Justice ;

-dresser la liste nationale des Huissiers de Justice suivant les modalités fixées par le règlement intérieur ;

-décider de l'attribution des médailles d'honneur aux Huissiers de Justice.

            Le Bureau a tous les pouvoirs d'administration nécessaires au bon fonctionnement de la Chambre Nationale des Huissiers de Justice, de ses services administratifs, et des relations avec les collaborateurs extérieurs. ».

 

-Article 74 : « La cessation des fonctions de clerc intervient dans les cas suivants :

 

-décès ;

-âge limite de la retraite fixée à 60 ans révolus ;

-démission régulièrement notifiée au titulaire de la charge ;

-licenciement ;

-radiation, notamment, lorsque le Clerc a fait l’objet d’une condamnation pénale. Cette radiation est prononcée par le conseil de discipline. ».

 

-Article 77 : « Le clerc réintégré fait l'objet d'une inscription au registre spécial mentionné ci-dessus. ».

 

-Article 82 : « Lorsqu'un Huissier de Justice se rend coupable à l'audience d'une infraction, le Président de la formation du jugement saisit immédiatement le Ministère Public qui l'inculpe selon la procédure de flagrant délit, sans préjudice de poursuites disciplinaires. ».

 

-Article 83 : « Toute plainte ou dénonciation contre un Huissier de Justice est notifiée au Procureur de la République du ressort. Ce dernier est tenu d'en informer le Procureur Général près la Cour d'Appel Judiciaire du ressort où les faits ont été commis.

 

            En cas de saisine directe du Président de la Chambre Nationale des Huissiers de Justice, celui-ci est tenu d'informer le Procureur de la République du ressort. ».

 

-Article 84 : « Lorsque les faits dénoncés sont constitutifs d'infraction, il est procédé comme prévu à l'article 45 ci-dessus sans préjudice pour le bureau de la Chambre Nationale des Huissiers de Justice, agissant en qualité de conseil de discipline, d'instruire, par un de ses membres désignés par le Président, l'affaire et d'en dresser rapport. ».

 

-Article 102 : « Le recours n'est pas suspensif d'exécution. ».

 

Article 3 : En raison de la séparation de six articles de l'ensemble de l'ordonnance n°00004/PR/2020 du 31 janvier 2020 portant Statut des Huissiers de Justice en République Gabonaise, la numérotation dudit texte ne sera plus la même.

 

Article 4 : La présente décision sera notifiée aux requérants, au Président de la République, au Premier Ministre, au Président du Sénat, au Président de l'Assemblée Nationale et publiée au Journal Officiel de la République Gabonaise ou dans un journal d'annonces légales.

            Ainsi délibéré et décidé par la Cour Constitutionnelle en sa séance du dix-neuf juin deux mille vingt où siégeaient :

 

-Madame Marie Madeleine MBORANTSUO, Président ;

-Monsieur Hervé MOUTSINGA,

-Madame Louise ANGUE,

-Monsieur Christian BIGNOUMBA FERNANDES,

-Madame Lucie AKALANE,

-Monsieur Jacques LEBAMA,

-Madame Afriquita Dolorès AGONDJO ép. BANYENA,

-Monsieur Edouard OGANDAGA,

-Monsieur Sosthène MOMBOUA, membres ; assistés de Maître Nosthène NGUINDA, Greffier en Chef.

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