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JOURNAL OFFICIEL N°195 DU 16 JANVIER 2023

Décision N° 065/CC du 12/01/2023 relative à la requête présentée par le Syndicat National des Enseignants et Chercheurs tendant à l'annulation de l'arrêté n°0000020/MESRSTTCA du 30 novembre 2022 fixant les modalités d'application du décret n°00216/PR/MESRSFC du 28 juillet 2017 fixant la procédure de désignation des Chefs d'Etablissements Publics d'Enseignement Supérieur


AU NOM DU PEUPLE GABONAIS ;

LA COUR CONSTITUTIONNELLE ;

Vu la requête enregistrée au Greffe de la Cour le 12 décembre 2022, sous le n°082/GCC, par laquelle le Syndicat National des Enseignants et Chercheurs, en abrégé SNEC, représenté par son Vice-président, Madame Nathalie SIMA EYI, a saisi la Cour Constitutionnelle aux fins d'annulation de l'arrêté n°0000020/MESRSTTCA du 30 novembre 2022 fixant les modalités d'application du décret n°00216/PR/MESRSFC du 28 juillet 2017 fixant la procédure de désignation des Chefs d'Etablissements Publics d'Enseignement Supérieur ; Vu la Constitution ;                                Vu la loi organique n°9/91 du 26 septembre 1991 sur la Cour Constitutionnelle, modifiée par la loi organique n°027/2021 du 31 janvier 2022 ;                                                 

Vu le règlement de procédure de la Cour Constitutionnelle n°035/CC/06 du 10 novembre 2006, modifié par le règlement de procédure de la Cour Constitutionnelle n°047/CC/2018 du 20 juillet 2018 ;                                     

Vu la loi n°21/2000 du 10 janvier 2001 déterminant les principes fondamentaux de l'Enseignement Supérieur en République Gabonaise ;                                                                                                                                      Vu le décret n°00216/PR/MESRSFC du 28 juillet 2017 fixant la procédure de désignation des Chefs d'Etablissements Publics d'Enseignement Supérieur ;

Le Rapporteur ayant été entendu ;

1-Considérant que par requête susvisée, le Syndicat National des Enseignants et Chercheurs, en abrégé SNEC, représenté par son Vice-président, Madame Nathalie SIMA EYI, a saisi la Cour Constitutionnelle aux fins d'annulation de l'arrêté n°0000020/MESRSTTCA du 30 novembre 2022 fixant les modalités d'application du décret n°00216/PR/MESRSFC du 28 juillet 2017 fixant la procédure de désignation des Chefs d'Etablissements Publics d'Enseignement Supérieur ;

2-Considérant que le requérant expose que l'arrêté n°0000020/MESRSTTCA du 30 novembre 2022
fixant les modalités d'application du décret n°00216/PR/MESRSFC du 28 juillet 2017 fixant la procédure de désignation des Chefs d'Etablissements publics d'Enseignement Supérieur doit être déclaré inconstitutionnel en raison du fait qu'il viole de manière flagrante le décret susmentionné, en application duquel il a été pris ; qu'il explique qu'à la suite de l'arrêté dont s'agit, un communiqué qui fixe les procédures et les dates d'élection des représentants des enseignants, des personnels administratifs, techniques, ouvriers et de service (ATOS), en vue de leur participation aux conseils d'administration électifs a été pris ; que ledit communiqué entend habiliter les seules personnes qui y sont citées à prendre part au vote au sein des conseils d'administration électifs, alors que la loi n°21/2000 du 10 janvier 2001 déterminant les principes fondamentaux de l'enseignement supérieur en République Gabonaise confère aux syndicats la prérogative de représentation de leurs membres ; qu'il relève que ce communiqué, en disposant ainsi qu'il l'a fait, porte atteinte à la reconnaissance des Syndicats comme représentants de la corporation et affaiblit leur implication au sein des conseils d'administration électifs ;

3-Considérant, par ailleurs, que Madame Nathalie SIMA EYI indique que l'article 4 de l'arrêté n°0000020/MESRSTTCA du 30 novembre 2022 fixant les modalités d'application du décret n°00216/PR/MESRSFC du 28 juillet 2017 fixant la procédure de désignation des Chefs d'Etablissements publics d'Enseignement Supérieur, ne reprend pas dans son intégralité les conditions d'éligibilité aux fonctions de responsable d'Etablissements Publics d'Enseignement Supérieur édictées par l'article 3 du décret sus indiqué, en ce que ledit article 4 exige, entre autres, au candidat à la fonction de chef d'établissement public d'enseignement supérieur d'être enseignant permanent dans l'établissement sollicité, alors que l'article 3 du décret sur la base duquel l'arrêté querellé a été pris, limite l'exigence à la condition d'avoir la qualité d'enseignant chercheur permanent ; que pour le requérant, l'arrêté critiqué viole le principe de la hiérarchie des normes et encourt, en conséquence, l'annulation pure et simple ;

4-Considérant qu'au soutien de sa requête, Madame Nathalie SIMA EYI verse au dossier une copie de l'arrêté en cause, une copie du décret n°00216/PR/MESRSFC du 28 juillet 2017 fixant la procédure de désignation des Chefs d'Etablissements Publics d'Enseignement Supérieur, la copie d'une note du Secrétaire Général du Ministère de l'Enseignement Supérieur transmettant aux Secrétaires Généraux des Universités, Grandes Ecoles et Instituts l'arrêté n°0000020/MESRSTTCA du 30 novembre 2022 sus- indiqué et le calendrier électoral ;

5-Considérant que dans un mémoire en réponse enregistré au Greffe de la Cour le 29 décembre 2022, le Ministre de l'Enseignement Supérieur réfute l'ensemble des griefs formulés contre l'arrêté en cause ; qu'il fait valoir, s'agissant du communiqué, que celui-ci n'est qu'une note d'information portant sur la procédure de désignation des Chefs d'Etablissement d'Enseignement Supérieur et le calendrier d'activités du Conseil d'administration et non pas une décision administrative excluant le Syndicat National des Enseignants et Chercheurs du Conseil d'Administration ; que ni l'arrêté critiqué, ni le décret n°00216/PR/MESRSFC du 28 juillet 2017 susmentionné ne fixent la composition des Conseils d'Administration desdits Etablissements ; qu'a fortiori, l'exclusion d'un membre de ces conseils d'administration ne peut être déduite de ces deux actes réglementaires ; qu'en outre, la qualité de membre du Conseil d'administration du Syndicat National des Enseignants et Chercheurs, en tant que celui-ci rentre dans la catégorie des représentants des socioprofessionnels, n'est nullement contestée car elle est consacrée à l'article 33 de la loi n°21/2000 du 10 janvier 2001 déterminant les principes fondamentaux de l'Enseignement Supérieur en République Gabonaise ; qu'enfin, s'agissant de la modification des conditions d'éligibilité des enseignants au poste de Directeur Général des Grandes Ecoles et de la violation du principe de la hiérarchie des normes qui en découlerait, le Ministre de l'Enseignement Supérieur relève que le droit de postuler à ladite fonction est un droit individuel reconnu à l'enseignant en tant que personne physique et non pas à une corporation, personne morale ; que de ce fait, seul l'enseignant peut saisir la Cour Constitutionnelle en inconstitutionnalité de l'arrêté indexé, au motif que celui-ci remet en cause les dispositions du décret n°00216/PR/MESRSFC du 28 juillet 2017 fixant la procédure de désignation des Chefs d'Etablissements Publics d'Enseignement Supérieur relatives aux conditions d'éligibilité à la fonction de Directeur Général d'une Grande Ecole pour violation du principe de la hiérarchie des normes ;

6-Considérant qu'au regard de l'exposé qui précède, le Ministre de l'Enseignement Supérieur sollicite de la Cour Constitutionnelle qu'elle déclare irrecevable la requête du Syndicat National des Enseignants et Chercheurs ;

Sur la recevabilité de la requête en examen

7-Considérant que le Ministre de l'Enseignement Supérieur, dans un mémoire en réponse aux griefs invoqués par le requérant, sollicite de la Cour que celle- ci déclare la requête en examen irrecevable, motif pris de ce que, d'une part, le requérant qui est une corporation, personne morale, n'est pas fondé à contester les modifications contenues dans l'arrêté critiqué du fait que lesdites modifications ne causent aucun préjudice audit syndicat qui ne peut être éligible à la fonction de Directeur Général d'une Grande Ecole, laquelle fonction n'est accessible qu'à une personne physique et, d'autre part, que le requérant ne justifie pas d'un intérêt à agir pour saisir la Cour Constitutionnelle en contrôle de constitutionnalité sur le fondement de la violation du principe de la hiérarchie des normes ;

8-Considérant que l'article 85 de la Constitution énonce, en son alinéa 2 que : « Les autres catégories de loi, les ordonnances ainsi que les actes réglementaires censés porter atteinte aux droits fondamentaux de la personne humaine et aux libertés publiques peuvent être déférées à la Cour Constitutionnelle, soit par le Président de la République, soit par le Premier Ministre, soit par les Présidents des Chambres du Parlement ou un dixième des membres de chaque Chambre, soit par les Présidents de la Cour de Cassation, du Conseil d'Etat et de la Cour des Comptes, soit par tout citoyen ou toute personne morale lésée par la loi, l'ordonnance ou l'acte réglementaire querellé. » ;

9-Considérant qu'en l'espèce, il est sans conteste que le Syndicat National des Enseignants et Chercheurs, personne morale jouissant de la personnalité juridique, a saisi la Cour Constitutionnelle aux fins de contrôle de constitutionnalité de l'arrêté n°0000020/MESRSTTCA du 30 novembre 2022 fixant les modalités d'application du décret n°00216/PR/MESRSFC du 28 juillet 2017 fixant la procédure de désignation des Chefs d'Etablissements Publics d'Enseignement Supérieur ; qu'en vertu des dispositions ci-dessus rappelées de l'alinéa 2 de l'article 85 de la Constitution, cette action est ouverte aussi bien aux personnes physiques qu'aux personnes morales dès lors qu'elles s'estiment lésées par l'acte attaqué ; qu'il suit de là que la requête en examen, en tant qu'elle émane de la personne morale en charge de la défense des intérêts de la corporation concernée et vise la remise en cause de l'acte réglementaire qui porterait atteinte aux droits fondamentaux de ses membres, doit être déclarée recevable en la forme ;

Sur le moyen tiré de la violation du principe de la hiérarchie des normes

10-Considérant que Madame Nathalie SIMA EYI soutient que l'article 4 de l'arrêté n°0000020/MESRSTTCA du 30 novembre 2022 fixant les modalités d'application du décret n°00216/PR/MESRSFC du 28 juillet 2017 fixant la procédure de désignation des Chefs d'Etablissements Publics d'Enseignement Supérieur entache d'inconstitutionnalité ledit arrêté, en ce qu'il est contraire à l'article 3 du décret susvisé en application duquel il a été pris ; qu'elle conclut à l'annulation pure et simple dudit arrêté ;

11-Considérant que l'article 3 du décret n°00216/PR/MESRSFC du 28 juillet 2017 susmentionné énonce : « Est éligible aux fonctions de Directeur Général de grande école, tout Enseignant-Chercheur permanent justifiant d'une ancienneté d'au moins cinq ans et du grade de Maître-assistant au minimum. » ; que l'article 4 de l'arrêté critiqué dispose : « Sont éligibles aux fonctions de responsable d'établissement public d'enseignement supérieur, les candidats répondant et justifiant des critères ci-dessous :
-avoir le statut d'enseignant-permanent dans l'établissement sollicité ;                                                                    -avoir une expérience professionnelle minimale de dix ans pour prétendre à la fonction de Recteur et de cinq ans pour celle de Directeur Général ;                                                                                                         

-avoir le grade d'enseignant de rang magistral s'agissant du poste de Recteur et Maître-assistant au moins pour le poste de Directeur Général.
On entend par permanent, tout enseignant ayant au moins été titularisé par la Fonction Publique et affecté à un établissement précis. » ;

12-Considérant qu'il ressort sans équivoque des dispositions ci-dessus rappelées que celles de l'article 4 de l'arrêté déféré, non seulement excluent les Enseignants-Chercheurs du nombre des candidats éligibles à la fonction de chef d'établissement public d'enseignement supérieur, mais également ajoutent aux conditions prévues à l'article 3 du décret n°00216/PR/MESRSFC du 28 juillet 2017 susvisé, la précision selon laquelle le candidat doit avoir le statut d'enseignant permanent dans l'établissement sollicité ; qu'ainsi libellé, l'article 4 de l'arrêté attaqué modifie substantiellement les termes de l'article 3 du décret susmentionné, lequel est une norme supérieure à l'arrêté, le tout, en violation du principe de la hiérarchie des normes qui interdit qu'une norme inférieure puisse contenir des dispositions qui sont contraires à celles de la norme supérieure, comme c'est le cas en l'espèce ; qu'il suit de là que les dispositions de l'article 4 de l'arrêté querellé doivent être déclarées inconstitutionnelles ;

13-Considérant que les dispositions ainsi censurées de l'article 4 de l'arrêté n°0000020/MESRSTTCA du 30 novembre 2022 fixant les modalités d'application du décret n°00216/PR/MESRSFC du 28 juillet 2017 fixant la procédure de désignation des Chefs d'Etablissements Publics d'Enseignement Supérieur sont inséparables de l'ensemble de ce texte ; que sans qu'il soit besoin d'analyser le moyen tiré de l'exclusion du Syndicat National des Enseignants et Chercheurs des Conseils d'Administration, il échet de déclarer nul l'arrêté n°0000020/MESRSTTCA du 30 novembre 2022 fixant les modalités d'application du décret n°00216/PR/MESRSFC du 28 juillet 2017 fixant la procédure de désignation des Chefs d'Etablissements Publics d'Enseignement Supérieur, ainsi que tous les actes pris en vue de son application, en l'occurrence le communiqué du Ministère de l'Enseignement Supérieur n°000891/MESRSTTCA/SG du 5 décembre 2022 et le calendrier électoral établi à cette date.

DECIDE :

Article 1er : La requête du Syndicat National des Enseignants et Chercheurs est recevable en la forme.

Article 2 : Au fond, les dispositions de l'article 4 de l'arrêté n°0000020/MESRSTTCA du 30 novembre 2022 fixant les modalités d'application du décret n°00216/PR/MESRSFC du 28 juillet 2017 fixant la procédure de désignation des Chefs d'Etablissements publics d'Enseignement Supérieur sont inconstitutionnelles et inséparables de l'ensemble du texte.

Article 3 : En conséquence, l'arrêté n°0000020/MESRSTTCA du 30 novembre 2022 fixant les modalités d'application du décret n°00216/PR/MESRSFC du 28 juillet 2017 fixant la procédure de désignation des Chefs d'Etablissements publics d'Enseignement Supérieur, ainsi que les actes pris en vue de son application, notamment le communiqué du Ministère de l'Enseignement Supérieur n°000891/MESRSTTCA/SG du 5 décembre 2022 et le calendrier électoral y relatif, sont annulés.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au requérant, au Président de la République, au Président du Sénat, au Président de l'Assemblée Nationale, communiquée au Ministre de l'Enseignement Supérieur et publiée au Journal Officiel de la République Gabonaise ou dans un journal d'annonces légales.
Ainsi délibéré et décidé par la Cour Constitutionnelle en sa séance du douze janvier deux mille vingt trois où siégeaient :
-Madame Marie Madeleine MBORANTSUO, Président ;                                                                                            -Monsieur Emmanuel NZE BEKALE,                                                                                                                      -Madame Louise ANGUE,                                                                                                                                    -Monsieur Christian BIGNOUMBA FERNANDES;                                                                                                      -Madame Lucie AKALANE,                                                                                                                                  --Monsieur Jacques LEBAMA,                                                                                                                                -Madame Afriquita Dolorès AGONDJO ép. BANYENA,                                                                                             -Monsieur Edouard OGANDAGA,                                                                                                                        --Monsieur Sosthène MOMBOUA, membres ; assistés de Maître Charlène MASSASSA MIPIMBOU, Greffier.

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