La COMISSION NATIONALE POUR LA PROTECTION DES DONNEES A CARACTERE PERSONNEL ;
Vu la Constitution ;
Vu la loi n°001/2011 du 25 septembre 2011 relative à la protection des données à caractère personnel ;
Vu la délibération n°001/2013 du 08 janvier 2013 fixant le règlement intérieur de la Commission ;
Après avoir entendu Messieurs Jean Bernard OGANDAGA, Commissaire Permanent, en son rapport et Guy Martial BOUCALT, Commissaire du Gouvernement, en ses observations ;
Est d’avis de répondre dans le sens des observations qui suivent :
La Commission Nationale pour la Protection des Données à Caractère Personnel a été saisie, pour avis, par le Ministre de l’Economie et de la Prospective, d’un dossier de formalités préalables assorti d’un projet de loi portant institution et organisation du système statistique national du Gabon.
Les politiques nationales, appliquées par le Gouvernement ou toute autre organisation, doivent être marquées par le sceau de l’efficacité, de la transparence et de l’équité. Elles nécessitent, à cet effet, de disposer, dans le domaine spécifique de la statistique, d’un cadre normatif approprié, élaboré sur la base d’éléments stratégiques de référence, eux-mêmes articulés autour d’une vision claire, des objectifs cohérents et un plan d’action conséquent à moyen et long termes.
Le nouveau projet de loi sur le système statistique national du Gabon, soumis à l’avis de la Commission, par le Ministère de l’Economie et de la Prospective poursuit la finalité de mettre en place une organisation dynamique et fiables, capable de fournir en temps voulu non seulement au Gouvernement, mais aussi aux administrations et organismes publics, aux entreprises et acteurs du secteur privé, aux médias, aux particuliers et à la société civile, aux organisations politiques, aux élus et aux citoyens, des données fiables et exactes, conformes aux normes internationales et utiles pour la prise de décisions efficaces se fondant sur l’analyse de données et d’informations.
Son élaboration s’inscrit dans le cadre de la mise en œuvre de la Stratégie Nationale de Développement de la Statistique (SNDS), dispositif dont le premier axe vise la refonte des fondements juridico-institutionnels de l’activité statistique au Gabon, en application des recommandations issues des opérations d’évaluation du système statistique national actuel, menées successivement par l’Observatoire économique et statistique d’Afrique subsaharienne (AFRISTAT), le Fonds Monétaire International (FMI), le Programme des Nations Unis pour le Développement (PNUD) et la Banque Mondiale.
La Commission rappelle, à titre liminaire, que les traitements de données statistiques réalisés par le Ministre de l’Economie et de la Prospective ou les autres services statistiques ministériels compétents sont des opérations strictement encadrées par la loi n°001/2011 relative à la protection des données à caractère personnel, en ce sens qu’elles relèvent des actions dont les données poursuivent des finalités spécifiques.
Elle précise à cet effet, que la loi précitée interdit la collecte ou le traitement des données à caractère personnel qui font apparaître, directement ou indirectement, les origines raciales ou ethniques, les opinions politiques, philosophiques ou religieuse ou l’appartenance syndicale des personnes, ou qui sont relative à la santé ou à la vie sexuelle de celle-ci.
Cependant, la même loi prévoit des dispositions dérogatoires aux traitements des données sensibles parmi lesquels, les traitements statistiques réalisés à des fins économiques, par les services statistiques des ministères compétents, à la condition que lesdits traitements soient réalisés dans le respect de la loi sur l’obligation, la coordination et le secret en matière de statistiques, après avis de l’administration compétente en la matière.
La Commission souligne, par ailleurs, s’agissant du principe relatif au respect de la vie privée et du secret statistique, que le droit à la vie privée et les libertés fondamentales des personnes doivent être garants lors de la collecte et pendant le traitement de données à caractère personnel à des fins statistiques, ainsi que lors de la conservation desdites données pour une utilisation future ou lors de la communication ou de la publication des résultats statistiques.
Elle ajoute que les données individuelles concernent des personnes physiques et opérateurs socioprofessionnels, obtenues directement à des fins statistiques ou indirectement de sources administratives ou autres, doivent être protégées contre toute utilisation non statistique et divulgation non autorisée.
Enfin, la Commission informé que la loi n°001/2011 relative à la protection des données à caractère personnel fixe les principes fondamentaux imposables à tout responsable de traitement qui envisage de mettre en œuvre un traitement de données à caractère personnel. Ces principes doivent être rappelés dans tous les actes réglementaires autorisant la création d’un traitement de données à caractère personnel.
L’article 3 du projet de loi énonce que le système statistique national a pour mission la promotion d’une politique nationale de production et de diffusion de données statistiques.
La Commission souligne que le besoin d’information qui sous-tend la mission technique de la statistique publique exige la garantie de mettre à la disposition de ceux qui en font la demande, des données statistiques pertinentes, exactes et fiables. Elle constate, à la lecture de cet article, que ces valeurs essentielles, qui doivent susciter la confiance dans l’information statistique officielle, ne sont pas clairement rappelées.
Aussi recommande-t-elle la reformulation suivante :
Article 3 nouveau : Le système statistique national a pour mission de promouvoir une politique nationale de production et de diffusion de données statistiques de qualité, fiables et cohérentes afin de répondre aux besoins des utilisateurs. Cette mission repose, entre autres, sur :
-la collecte, le traitement, l’analyse, la production, la publication, la diffusion et l’archivage des statistiques conformément aux principes fixés par les normes internationales ;
-la coordination des activités des différents organes du système statistique national ;
-la fixation des orientations de développement de la statistique publique ;
-l’élaboration d’un programme annuel d’enquêtes de statistiques publiques ;
-la définition des concepts, des nomenclatures et l’adoption des normes en vigueur au plan international ;
-la formation et le recyclage du personnel spécialisé dans le domaine de la statistique ;
-la promotion de la culture statistique.
S’agissant des objectifs poursuivis par le système statistique national, énoncé dans l’article 4 du projet de loi, la Commission note que ceux-ci n’appellent aucune remarque particulière de sa part.
Comme indiqué aux termes de l’article 8 du projet de loi, les données individuellement recueillies ne peuvent être utilisées à d’autres fins que celles de diffuser des résultats statistiques agrées. Les données tirées de sources licitement accessibles au public et qui restent accessibles au public, conformément à la législation nationale, ne sont pas considérées comme confidentielles aux fins de la diffusion des statistiques obtenues à partir de ces données.
Quant à l’article 9, il énonce que les données statistiques ou individuelles ne peuvent être utilisées à des fins de poursuite ou de répression fiscale, pénale, économique ou sociale.
La Commission rappelle que le respect de la finalité est un principe fondamental de la réglementation mise en place par la loi n°001/2011.
Ce principe prévoit que les données doivent être collectées pour un usage déterminé, explicite, légitime et non inhumain, correspondant aux missions de l’organisme responsable du traitement. De plus, celles-ci ne doivent pas être traitées ultérieurement de manière incompatible avec les finalités pour lesquelles elles ont été collectées initialement.
La loi fait une exception à ce principe lorsqu’il s’agit notamment, des traitements opérés à des fins statistiques ou à des fins de recherche scientifique ou historique, considérés comme compatibles avec les finalités initiales de la collecte des données, s’ils sont réalisés dans le respect des principes et des procédures prévus par la loi et s’ils ne sont pas utilisés pour prendre des décisions à l’égard des personnes concernées.
Aussi, la Commission précise-t-elle que le non-respect de la finalité constitue une violation de la loi n°001/2011 relative à la protection des données à caractère personnel et par ailleurs, une infraction réprimée conformément aux dispositions du Code Pénal.
La Commission rappelle que les restrictions apportées aux droits fondamentaux et aux libertés des personnes devant faire l’objet d’un traitement de données à caractère personnel doivent être proportionnelles au but recherché.
L’article 45 de la loi n°001/2011 relative à la protection des données à caractère personnel dispose que les données à caractère personnel devant faire l’objet d’un traitement doivent être adéquates, pertinentes et non excessives au regard des finalités pour lesquelles elles sont collectées et de leur traitement ultérieur.
La Commission recommande que la prise en compte de ce principe fondamental préalable à la mise en œuvre de traitements de données personnelles figure parmi les dispositions prévues dans le projet de loi.
L’article 6 du projet de loi indique que les services et organismes du système statistique national accomplissent leurs missions conformément aux concepts, aux règles méthodologiques et aux techniques communément admis au plan international, en matière de statistique officielle.
A ce titre, les services et organismes du système statistique national jouissent de l’indépendance scientifique et procèdent à la collecte, au traitement et à la diffusion des informations selon les normes de la statistique officielle, sans aucune influence quelconque de nature à altérer la qualité de l’information statistique et avec le professionnalisme nécessaire à la garantie de l’exactitude et de la fiabilité des données statistiques.
La Commission exige qu’à la suite de ce paragraphe, soit annexé le texte suivant :
« Ces informations doivent être exactes, complètes et, si nécessaires, mises à jour. Des mesures appropriées doivent être prises pour que les informations inexactes ou incomplètes au regard des finalités pour lesquelles elles sont collectées ou traitées soient effacées ou rectifiées. »
Le projet de loi et le dossier de demande d’avis qui l’accompagne ne comportent aucune indication sur la durée de conservation des données collectées et ne déterminent pas non plus de procédure de mise à jour et d’apurement.
La Commission rappelle à cet égard, que le principe d’exactitude et de mise à jour des données constitue une des conditions de licéité des traitements de données personnelles et une garantie pour les citoyens.
Les données doivent être conservées sous une forme permettant l’identification des personnes concernées pendant une durée qui n’excède pas la durée nécessaire aux finalités pour lesquelles elles sont collectées et traitées.
Elle estime, en conséquence que, compte tenu de la sensibilité de certaines données mentionnées dans le dossier de demande d’avis ainsi que des finalités poursuivies, le projet de loi doit prévoir la mise en œuvre, sous le contrôle de la Commission, d’une procédure de mise à jour et d’apurement des fichiers contenant les données collectés.
L’article 7 du projet de loi énonce que les données individuelles recueillies à des fins statistiques sont accessibles uniquement aux agents de l’organe central et des services statistiques sectoriels.
A ce titre :
-les agents de l’organe central statistique et des services statistiques sectoriels sont tenus, dans l’accomplissement de leurs missions de production et de diffusion des données statistiques, de se conformer au principe fondamental de respect du secret statistique ;
-les données individuelles, issues des enquêtes et recensements statistiques, ainsi que de l’exploitation des fichiers administratifs ne peuvent faire l’objet de divulgation d’aucune manière, sauf autorisation expresse des personnes physiques ou morales concernées et uniquement à des fins statistiques ;
-les autorités statistiques et leurs agents sont astreints, quels que soient leurs statuts, au respect du secret professionnel pour tout ce qui concerne les informations individuelles collectées.
La Commission observe que le dossier de demande d’avis ne comporte aucune protection sur les caractéristiques techniques et les mesures de sécurité prévues par le Ministère de l’Economie et de la Prospective. Elle relève, à cet effet, qu’elle ne peut exercer sur ce point la mission de contrôle que lui a confiée le législateur.
A cet égard, la Commission tient à souligner l’importance que revêt la mise en œuvre d’une politique de traçabilité des actions, qu’il s’agisse des enregistrements ou des consultations.
La Commission précise, en outre, que les renseignements individuels figurant sur les questionnaires et ayant trait à la vie personnelle et familiale et, d’une manière générale, aux faits et comportements d’ordre privé, ne peuvent être l’objet d’aucune communication de la part du service dépositaire avant l’expiration du délai légal suivant la date de réalisation du recensement ou de l’enquêt
De même, les renseignements individuels d’ordre économique ou financier figurant sur les questionnaires, ne peuvent, en aucun cas, être utilisés à des fins de contrôle fiscal ou de répression économique.
Les administrations dépositaires de renseignements de cette nature ne sont pas tenues par les obligations prévues par certains textes d’ordre financier.
Aussi, les agents des services publics et des organisations appelées à servir d’intermédiaires pour les enquêtes sont-ils astreints au secret professionnel, sous peine de sanctions pénales.
La Commission rappelle que la loi n°001/2011 garantit aux personnes l’information nécessaire relative aux traitements auxquels sont soumises des données les concernant et assure la possibilité d’un contrôle personnel.
L’article 46 dispose à cet effet qu’un traitement de données doit avoir reçu le consentement de la personne concernée ou satisfaire à l’une des conditions suivantes :
-le respect d’une obligation légale incombant au responsable de traitement ;
-la sauvegarde de la vie privée de la personne concernée ;
-l’exécution d’une mission de service public dont est investi le responsable de traitement ;
-l’exécution, soit d’un contrat auquel la personne concernée est partie, soit des données précontractuelles prises à la demande de celle-ci ;
-la réalisation de l’intérêt ou les droits et libertés fondamentaux de la personne concernée.
La Commission signale que les traitements de données personnelles, réalisés par le Ministre de l’Economie et de la Prospective dans le cadre des opérations d’enquête et de recensement, relèvent de l’exécution de la mission de service public dont est investi ce département ministériel. En conséquence, ces actions ne requièrent pas le consentement préalable des personnes concernées.
La loi n°001/2011 relative à la protection des données à caractère personnel dispose, en son article 59, que la personne auprès de laquelle sont recueillies des données à caractère personnel la concernant est informée par le responsable de traitement ou son représentant :
-de l’identité du responsable de traitement et, le cas échéant de celle de son représentant ;
-de la finalité poursuivie par le traitement auquel les données sont destinées ;
-du caractère obligatoire ou facultatif des réponses ;
-des conséquences éventuelles, à son égard, d’un défaut de réponse ;
-des destinataires ou catégories de destinataires des données ;
-des droits et des modalités d’exercice des droits d’accès, rectification, de suppression et d’opposition qu’elle tient des dispositions de la loi ;
-des transferts des données à caractère personnel envisagés à destination d’un autre Etat, le cas échéant.
La loi recommande, par ailleurs, lorsque les données sont recueillies par voie de questionnaires, que ceux-ci comportent la mention des présentes prescriptions.
La Commission rappelle que toute personne a le droit de savoir si les traitements automatisés mis en œuvre par les services publics portent sur des informations nominatives la concernant, ainsi que les modalités d’exercice de ses droits (accès, rectification, éventuellement opposition si le traitement envisagé ne présente pas un caractère obligatoire).
La Commission constate que le projet de loi ne prévoit pas de dispositions se rapportant aux droits des personnes concernées par le traitement des données à caractère personnel. Elle exige que les modalités d’exercice de ce principe fondamental fixé par la loi, figurent dans le projet de loi, à la suite de l’article 14 du texte susvisé.
Par ailleurs, la Commission recommande la reformulation suivante de l’article 15 :
Article 15 nouveau : Dès lors qu’une enquête ou un recensement implique le recueil d’informations nominatives sur les personnes physiques ou sur les entrepreneurs individuels, l’autorité statistique responsable de cette opération doit, préalablement à la mise en œuvre du traitement envisagé, recueillir l’avis de la Commission Nationale pour la Protection des Données à Caractère Personnel.
L’avis favorable de cette instance rend les opérations de collecte des données exécutoires et opposables aux tiers.
En conséquence :
La Commission Nationale pour la Protection des Données à Caractère Personnel, à l’unanimité de ses membres, réunis en séance de formation plénière, après avoir :
-examiné le dossier de formalités préalables transmis par le Ministère de l’Economie et de la Prospective au titre de la demande d’avis relative à l’institution et l’organisation du système statistique national ;
-noté les observations de ses membres ;
-enjoint le Ministère de l’Economie et de la Prospective d’intégrer les observations et les suggestions contenues dans la présente délibération au projet de loi proposé et soumis à l’avis de la Commission, afin de le rendre conforme aux dispositions de la loi n°001/2011.
La présente délibération portant avis de la Commission sur le projet de loi relatif à l’institution et à l’organisation du système statistique national, sera publiée au Journal Officiel de la République Gabonaise.
Ainsi délibéré, en sa séance de formation plénière du 31 juillet 2014, où siégeaient :
-Blaise Lionel MEMIAGHE, Président ;
-Emmanuel OGANDAGA ;
-Roger LAYAUD ;
-Jean Bernard OGANDAGA ;
-Alain MOUPOPA ;
-Sylvère Dénis RETENO NDIAYE.