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JOURNAL OFFICIEL N°139 DU 16 NOVEMBRE 2021

Décision N° 037/CC du 30/09/2021 relative aux requêtes présentées par le Premier Ministre, l'Organisation Nationale des Employés du Pétrole, la Confédération Gabonaise des Syndicats Libres, le Syndicat National des Etablissements de Crédits et la Confédération Syndicale Gabonaise, tendant au contrôle de constitutionnalité de la loi n°022/2021 portant révision de la loi n°03/94 du 21 novembre 1994, modifiée par la loi n°012/2000 du 12 octobre 2000, modifiée par la loi n°021/2010 du 27 juillet 2010 portant Code du Travail en République Gabonaise


AU NOM DU PEUPLE GABONAIS ;

LA COUR CONSTITUTIONNELLE ;

 

Vu la requête enregistrée au Greffe de la Cour le 05 juillet 2021, sous le n°021/GCC, par laquelle le Premier Ministre a soumis à la Cour Constitutionnelle, aux fins de contrôle de constitutionnalité, la loi n°022/2021 portant révision de la loi n°03/94 du 21 novembre 1994, modifiée par la loi n°012/2000 du 12 octobre 2000, modifiée par la loi n°021/2010 du 27 juillet 2010 portant Code du Travail en République Gabonaise ;

Vu la requête enregistrée au Greffe de la Cour le 16 juillet 2021, sous le n°026/GCC, par laquelle l'Organisation Nationale des Employés du Pétrole, représentée par Maître Farafina BOUSSOUGOU-BOU-MBINE, Avocat au Barreau du Gabon, demeurant à Libreville, 715 rue Amiar Nganga Hang, Boîte Postale 10.873, a saisi la Cour Constitutionnelle aux fins de voir celle-ci déclarer inconstitutionnelles les dispositions des articles 23, 33 à 38, 144, 210, 213, 304, 310, 380, 384, 387 et 414 de la loi n°022/2021 portant révision de la loi n°03/94 du 21 novembre 1994, modifiée par la loi n°012/2000 du 12 octobre 2000, modifiée par la loi n°021/2010 du 27 juillet 2010 portant Code du Travail en République Gabonaise ;

Vu la requête enregistrée au Greffe de la Cour le 16 juillet 2021, sous le n°028/GCC, par laquelle le Syndicat National des Etablissements de Crédits, représenté par Maître Farafina BOUSSOUGOU-BOU-MBINE, Avocat au Barreau du Gabon, demeurant à Libreville, 715 rue Amiar Nganga Hang, Boîte Postale 10.873, a saisi la Cour Constitutionnelle aux fins de voir celle-ci déclarer inconstitutionnelles les dispositions des articles 23, 33 à 38, 144, 210, 213, 304, 310, 380, 384, 387 et 414 de la loi n°03/94 du 21 novembre 1994, modifiée par la loi n°012/2000 du 12 octobre 2000, modifiée par la loi n°021/2010 du 27 juillet 2010 portant Code du Travail en République Gabonaise ;

 Vu la requête enregistrée au Greffe de la Cour le 16 juillet 2021, sous le n°029/GCC, par laquelle la Confédération Syndicale Gabonaise, ayant pour Conseil Maître Farafina BOUSSOUGOU-BOU-MBINE, Avocat au Barreau du Gabon, demeurant à Libreville, 715 rue Amiar Nganga Hang, Boîte Postale 10.873, a saisi la Cour Constitutionnelle aux fins de voir celle-ci déclarer inconstitutionnelles les dispositions des articles 23, 33 à 38, 144, 210, 213, 304, 310, 380, 384, 387 et 414 de la loi n°022/2021 portant révision de la loi n°03/94 du 21 novembre 1994, modifiée par la loi n°012/2000 du 12 octobre 2000, modifiée par la loi n°021/2010 du 27 juillet 2010 portant Code du Travail en République Gabonaise ;

Vu le mémoire additionnel enregistré au Greffe de la Cour le 10 septembre 2021 de Maître Farafina BOUSSSOUGOU-BOU-MBINE, Avocat au Barreau du Gabon, agissant pour le compte de l'Organisation Nationale des Employés du Pétrole, de la Confédération Gabonaise des Syndicats Libres, du Syndicat National des Etablissements de Crédits et de la Confédération

Syndicale Gabonaise ;

Vu les écritures responsives du Ministre en charge du Travail enregistrées au Greffe de la Cour les 3 août et 21 septembre 2021 ;

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu la Constitution ;

Vu la loi organique n°9/91 du 26 septembre 1991 sur la Cour Constitutionnelle, modifiée par la loi organique n°004/2018 du 30 juillet 2018 et l'ordonnance n°010/PR/2021 du 06 septembre 2021 ;

Vu le règlement de procédure de la Cour Constitutionnelle n°035/CC/06 du 10 novembre 2006, modifié par le règlement de procédure de la Cour Constitutionnelle n°047/CC/2018 du 20 juillet 2018 ;

Vu la loi n°8/91 du 26 septembre 1991 portant Statut Général des Fonctionnaires, ensemble les textes modificatifs subséquents ;

Vu les décisions Avant-Dire-Droit n°s029bis/CC et 030bis/CC des 05 et 24 août 2021, par lesquelles la Cour Constitutionnelle a ordonné des mesures complémentaires d'instruction ;

Les Rapporteurs ayant été entendus ;

1-Considérant que par requêtes susvisées, le Premier Ministre, d'une part, et l'Organisation Nationale des Employés du Pétrole, la Confédération Gabonaise des Syndicats Libres, le Syndicat National des Etablissements de Crédits et la Confédération Syndicale Gabonaise, tous les quatre représentés par Maître Farafina BOUSSOUGOU-BOU-MBINE, Avocat au Barreau du Gabon, d'autre part, ont déféré à la Cour Constitutionnelle, en vue du contrôle de constitutionnalité de l'ensemble des dispositions de la loi n°022/2021 portant révision de la loi n°03/94 du 21 novembre 1994, modifiée par la loi n°012/2000 du 12 octobre 2000, modifiée par la loi n°021/2010 du 27 juillet 2010 portant Code du Travail en République Gabonaise, s'agissant du premier requérant, et de celles des articles 23, 33 à 38, 144, 210, 213, 304, 310, 380, 384, 387 et 414 de ladite loi, pour les quatre autres requérants ;

2-Considérant qu'il est constant que toutes ces requêtes visent le même objet et portent sur le même texte de loi ; que pour une bonne administration de la justice, il convient de les joindre pour y être statué par une seule et même décision ;

3-Considérant que Maître Farafina BOUSSOUGOU-BOU-MBINE, Avocat au Barreau du Gabon, représentant les organisations syndicales ci-avant spécifiées, soutient que les articles 23, 33 à 38, 144, 210, 213, 304, 310, 380, 384, 387 et 414 de la loi en examen sont contraires à la Constitution ;

Sur l'article 23 de la loi en examen

4-Considérant que l'article 23 de la loi n°022/2021 portant révision de la loi n°03/94 du 21 novembre 1994, modifiée par la loi n°012/2000 du 12 octobre 2000, modifiée par la loi n°021/2010 du 27 juillet 2010 portant Code du Travail en République Gabonaise stipule en ses alinéas 1 et 2 : « Le contrat de travail à durée déterminée quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise.

Lorsque le contrat à durée déterminée est arrivé à son terme et se poursuit par la volonté, même tacite des parties, cette prolongation confère au contrat le caractère de contrat à durée indéterminée, nonobstant toute clause prohibant la tacite reconduction. Toutefois, en cas d'absence du travailleur, la notification du terme du contrat est faite aux délégués du personnel. » ;

5-Considérant que les quatre organisations syndicales requérantes en la cause, par la plume de leur Conseil Maître Farafina BOUSSOUGOU-BOU-MBINE, font valoir que la dernière phrase de l'alinéa 2 de l'article 23 précité est en contradiction avec le principe du contrat de travail qui est un contrat synallagmatique entre un employeur et un travailleur ; que la notification de son terme ne peut donc être faite aux délégués du personnel sous prétexte de l'absence du travailleur, alors que l'employeur peut avoir recours au ministère d'huissier de justice à cet effet ; qu'ils concluent que le rajout de cette phrase à l'alinéa 2 de l'article 23 de la loi en examen, laquelle n'existe pas dans le Code du Travail en vigueur, consacre le recul des droits acquis du travailleur ; que de ce fait, ledit article doit être déclaré inconstitutionnel ;

6-Considérant qu'en réponse à cet argumentaire, le Ministre en charge du Travail explique que la particularité du contrat de travail à durée déterminée dont il est traité à l'article 23 est que le terme de ce type de contrat est connu d'avance par l'employeur et le travailleur ; que cependant la loi prévoit que si le contrat à durée déterminée se poursuit au-delà du terme convenu, il est automatiquement requalifié en un contrat de travail à durée indéterminée ; que compte tenu des conséquences juridiques liées à cette requalification, la notification de la volonté de l'employeur de poursuivre le contrat pour une nouvelle période exige que cette volonté soit formalisée dans un écrit et concrétisée par la remise matérielle de cet écrit au travailleur ; que dès lors, pour l'exposant la disposition critiquée, loin de constituer un recul des droits du travailleur, vient plutôt les sécuriser et renforcer le rôle du délégué du Personnel ;

7-Considérant que selon les dispositions combinées des articles 329 alinéa 1er et 333 de la loi soumise au contrôle de la Cour Constitutionnelle, les délégués du personnel sont élus par l'ensemble des travailleurs d'une entreprise ; qu'ils ont pour missions, entre autres, de présenter aux employeurs toutes les réclamations individuelles ou collectives qui n'auraient pas été directement satisfaites concernant les conditions de travail et la protection des travailleurs, l'application des conventions collectives, les classifications professionnelles et les taux des salaires ;

8-Considérant, en d'autres termes, que les délégués du personnel sont les représentants légaux et légitimes des autres travailleurs au sein de l'entreprise, en plus d'être les interlocuteurs par excellence des employeurs dans la défense des intérêts de leurs collègues ; que dès lors, c'est à juste titre que législateur a retenu qu'en cas d'absence du travailleur, la notification de la volonté de l'employeur de poursuivre le contrat de travail à durée déterminée au-delà du terme convenu soit faite à son représentant légal qu'est le délégué du personnel qu'il suit de là que l'inconstitutionnalité invoquée n'est pas établie ;

Sur les articles 33 à 38 de la loi en examen

9-Considérant que les organisations syndicales allèguent que les dispositions des articles 33 à 38 qui régissent le contrat de mission sont inconstitutionnelles, en ce que la loi adoptée par le Parlement, en ne reprenant pas volontairement les avantages consentis aux travailleurs dans ce domaine par la loi n°20/2007 du 15 janvier 2008 portant réglementation de l'activité de mise à disposition du personnel en République Gabonaise, constitue un recul considérable de la lutte contre la précarité de l'emploi au Gabon ; qu'ainsi, selon elles, les travailleurs en contrat de mission ne se verront plus appliquer la procédure de licenciement en cas de faute, ni l'octroi d'indemnités de précarité en cas de rupture du contrat de mission, encore moins de salaires identiques à la grille de la société utilisatrice pour le poste occupé ;

10-Considérant que le Ministre en charge du Travail, après avoir rappelé que le contrat de mission est une forme de contrat à durée déterminée intervenant dans le cadre de la mise à disposition du personnel, rétorque que la résiliation de ce type de contrat, dont le terme est connu d'avance, a lieu dans les mêmes conditions que le contrat à durée déterminée classique, c'est-à-dire à l'arrivée du terme convenu sans formalisme aucun ; qu'au demeurant, a-t-il précisé, il serait difficile pour une entreprise d'intérim qui a signé un contrat de mission avec un travailleur de respecter la procédure de licenciement d'un contrat à durée indéterminée pour des faits constatés non pas par la société d'intérim mais par la société utilisatrice au sein de laquelle le travailleur a exécuté sa mission ; que de surcroît, le nouveau dispositif légal ne remet nullement en cause les dispositions de la loi n°20/2007 du 15 janvier 2008 susvisée relatives à cette question ;

11-Considérant qu'il résulte de l'analyse des prétentions des organisations syndicales que celles-ci relèvent de l'opportunité sur laquelle la Cour Constitutionnelle n'a pas le droit de se prononcer, ainsi qu'il en ressort des dispositions de l'alinéa 3 de l'article 40 de sa loi organique selon lesquelles la Cour Constitutionnelle statue en constitutionnalité et non point en opportunité ; qu'en conséquence, les requérantes n'ayant pas établi qu'un principe constitutionnel ou à valeur constitutionnelle a été violé, les dispositions des articles 33 à 38 en cause ne sont entachées d'aucune inconstitutionnalité ;

Sur l'article 144 de la loi en examen

12-Considérant que l'article 144 de la loi n°022/2021 déférée à la Cour Constitutionnelle dispose en ses alinéas 1, 2, 3 et 4 : « Tout investisseur ou opérateur économique étranger disposant d'un grand chantier d'infrastructures avec l'Etat gabonais peut bénéficier d'une procédure simplifiée en matière de formalités liées à l'emploi de la main-d’œuvre étrangère.

La qualification d'un grand chantier d'infrastructures est faite par voie réglementaire en fonction du montant de l'investissement.

Le dossier de demande d'autorisation d'emploi de ces travailleurs doit contenir outre les éléments listés à l'article 140 :

-le projet du contrat de travail du bénéficiaire de l'autorisation d'emploi sollicité ;

-le contrat signé avec l'Etat ou le contrat signé avec un sous-traitant disposant d'un grand marché avec l'Etat ;

-le montant de l'investissement.

L'autorisation est délivrée sous huitaine et sans respect des quotas prévus. » ;

13-Considérant que les quatre organisations syndicales susvisées jugent spécifiquement les dispositions précitées du quatrième alinéa de l'article 144 contraires à la Constitution, au motif que les grands chantiers étant censés créer des emplois aux gabonais, il est inconcevable de ne plus imposer le respect du quota de l'emploi des travailleurs étrangers aux investisseurs ou opérateurs économiques bénéficiaires d'un grand chantier d'infrastructures avec l'Etat gabonais ;

14-Considérant que le Ministre en charge du Travail fait remarquer que le dispositif légal dénoncé par les requérantes n'est pas nouveau, il existe déjà dans le décret n°162/PM/MTE du 07 mars 2016 relatif aux modalités d'emploi des travailleurs étrangers en République Gabonaise ; qu'il s'agit d'une autorisation de travail n'excédant pas deux ans et de surcroît non renouvelable, non sans souligner que l'importation de cette main-d’œuvre étrangère pour la réalisation des grands chantiers obéit très souvent soit à la nécessité du respect des délais d'exécution de certains ouvrages ou encore à l'application d'accords diplomatiques ;

15-Considérant qu'il est évident que l'objectif à atteindre à travers les dispositions précitées de l'article 144 c'est d'attirer le plus grand nombre d'investisseurs pour la réalisation des grands chantiers d'infrastructures par l'Etat gabonais ; que ce souci d'attraction des investisseurs se traduit, entre autres, par la simplification de la procédure de délivrance des autorisations d'importation de la main-d’œuvre étrangère pour l'exécution de certains grands chantiers d'infrastructures ; qu'au demeurant, bien que simplifiée, cette procédure reste très encadrée et sous contrôle du Gouvernement qui, non seulement apprécie si les conditions de délivrance de l'autorisation sont réunies, mais en plus arrête la liste des emplois non concernés par cette dérogation ; que, là aussi, l'inconstitutionnalité invoquée n'est pas constituée ;

Sur l'article 211 de la loi en examen

16-Considérant que l'article 211 de la loi n°022/2021 portant révision de la loi n°03/94 du 21 novembre 1994, modifiée par la loi n°012/2000 du 12 octobre 2000, modifiée par la loi n°021/2010 du 27 juillet 2010 portant Code du Travail en République Gabonaise, soumise à l'examen de la Cour, prévoit en son alinéa 3 : « Si ce transfert n'est pas possible, le contrat doit être suspendu pendant une durée qui ne peut excéder trois (3) mois. Pendant cette période, la femme a droit, d'une part, au versement par l'employeur d'une indemnité équivalente à la moitié du salaire qu'elle percevait avant la suspension et, d'autre part, au maintien de son ancienneté pendant la durée de la suspension. » ;

17-Considérant que les organisations syndicales requérantes font grief à ces dispositions d'opérer une discrimination liée au genre, en ce sens que dans le cas traité à cet alinéa 3, c'est la femme enceinte ou allaitante qui est sanctionnée pour des situations qui mettent en danger sa santé ou celle de son enfant, alors qu'en pareilles circonstances elle doit être protégée, le tout en violation des dispositions de l'article 1er de la Constitution en ses points 7 et 8 ;

18-Considérant que le Ministre en charge du Travail oppose à ces allégations que l'alinéa 3 de l'article 211 de la loi déférée au contrôle de constitutionnalité n'est en rien discriminatoire à l'égard de la femme enceinte ou en couches à qui il n'a pas été trouvé un autre emploi dans l'entreprise du fait que celui qu'elle exerce habituellement présente des dangers pour elle ou pour son enfant, puisque malgré son absence, il lui sera versée une indemnité compensatrice ;

19-Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article 13 de la Convention n°155 de l'Organisation Internationale du Travail, un travailleur qui s'est retiré d'une situation de travail dont il avait un motif raisonnable de penser qu'elle présentait un péril imminent et grave pour sa vie ou sa santé devra être protégé contre des conséquences injustifiées, conformément aux conditions et à la pratique nationale ;

20-Considérant que l'article 209 de la loi en examen stipule en ses alinéas 1 et 2 : « La femme a les mêmes droits et les mêmes obligations en matière de législation du travail, sous réserve des dispositions particulières prévues par la présente loi.

Aucun employeur ne peut licencier ou prendre toute autre mesure de représailles contre une femme au motif de sa grossesse ou de son accouchement. » ;

21-Considérant que tel que libellé, l'alinéa 3 de l'article 211 critiqué expose la femme enceinte ou en couches au licenciement à l'expiration du délai de trois mois de suspension de son contrat de travail, ce, d'autant plus qu'aucune précision n'est donnée quant aux modalités de computation de ce délai, tant pendant la période de la grossesse que pendant celle qui suit l'accouchement, ceci, en violation des dispositions ci-dessus rappelées de l'alinéa 2 de l'article 209 ; qu'en conséquence, pour être déclaré conforme à la Constitution, l'alinéa 3 de l'article 211 doit être reformulé ainsi qu'il suit :

« Si pendant la grossesse et durant les trois (3) mois qui suivent l'accouchement ce transfert n'est pas possible, le contrat est suspendu. Pendant cette période, la femme a droit au versement par l'employeur d'une indemnité équivalente à la moitié du salaire qu'elle percevait avant la suspension et au maintien de son ancienneté. A la fin de cette période, elle retrouve son emploi initial. » ;

Sur les articles 213, 381, 384, 387 et 415 de la loi en examen

22-Considérant que l'article 213 de la loi soumise au contrôle de constitutionnalité énonce en son dernier alinéa : « Pendant cette période, la mère peut quitter définitivement son travail après l'exécution d'un préavis d'un mois et sans avoir, de ce fait, à payer une quelconque indemnité pour rupture de contrat. » ; que l'article 381 de la même loi dispose : « La grève est l'arrêt concerté du travail par un groupe de travailleurs en vue de soutenir des revendications professionnelles déjà déterminées auxquelles l'employeur n'a pas donné satisfaction. Elle est une modalité de défense des droits des intérêts professionnels, économiques et sociaux. » ; que l'article 384 stipule pour sa part : « En dehors des cas de grève illicite prévus à l'article 382 ci-dessus, aucun travailleur ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire en raison de l'exercice normal du droit de grève, sauf si ce dernier s'est rendu coupable d'une faute lourde ou de voie de fait avec menace et obstruction à la liberté de travail. » ;

23-Considérant que l'article 387, quant à lui, dispose en son alinéa 1er : « Un service minimum obligatoire est requis pour toutes les entreprises lors du déclenchement d'un mouvement de grève. » que l'article 415, toujours de la même loi, édicte : « La présente loi, qui abroge la loi n°03/94 du 21 novembre 1994 portant Code du Travail en République Gabonaise, ensemble les textes modificatifs subséquents ainsi que toutes dispositions antérieures contraires, est enregistrée, publiée suivant la procédure d'urgence et exécutée comme loi de l'Etat. » ;

24-Considérant qu'il ressort en résumé des récriminations des organisations syndicales requérantes, relativement aux articles dont les dispositions viennent d'être rappelées, que lesdites organisations syndicales reprochent en réalité au législateur de n'avoir pas reproduit à l'identique dans la loi en examen les termes de ces articles, tels qu'ils sont formulés dans la loi en vigueur ; que le fait que le législateur n'ait pas adopté cette logique ne constitue pas en soi une violation de la Constitution, mais relève plutôt de l'opportunité sur laquelle la Cour Constitutionnelle ne statue pas, ainsi que le lui interdisent les dispositions de l'alinéa 3 de l'article 40 de sa loi organique ; que les prétentions des requérantes ne peuvent être retenues ;

Sur l'article 305 de la loi en examen

25-Considérant que l'article 305 de la loi soumise à la Cour prescrit : « Tout travailleur ou employeur peut adhérer librement au syndicat professionnel de son choix dans le cadre de la défense des intérêts de sa profession à condition que le syndicat relève de son secteur d'activité. » ;

26-Considérant que les organisations syndicales requérantes en la cause arguent de ce que tel que libellé, l'article 305 précité porte atteinte à la liberté de tout travailleur de s'affilier à l'organisation syndicale de son choix, en violation, entre autres, des dispositions de l'article 23 de la Déclaration des Droits de l'Homme de 1948, selon lesquelles : « Toute personne a droit au travail, au libre choix de son travail, à des conditions équitables et satisfaisantes de travail et à la protection contre le chômage. Tous ont droit, sans aucune discrimination, à un salaire égal pour un travail égal. Quiconque travaille a droit à une rémunération équitable et satisfaisante lui assurant ainsi qu'à sa famille, une existence conforme à la dignité humaine et complète, s'il y a lieu, par tous autres moyens de protection sociale. Toute personne a le droit de fonder avec d'autres des syndicats et de s'affilier à des syndicats pour la défense de ses intérêts. » ;

27-Considérant que le Ministre en charge du Travail oppose aux arguments des requérantes que la liberté d'adhésion du travailleur au syndicat de son choix ne signifie pas que ce dernier peut adhérer librement à tous les syndicats sans tenir compte de leurs objets, mais plutôt que le travailleur a la possibilité de choisir le syndicat auquel il veut faire partie parmi ceux constitués à l'intérieur de sa branche professionnelle ou de son domaine d'activité ; que de son point de vue, l'article contesté ne porte nullement atteinte à la liberté syndicale, encore moins au droit syndical de l'employé, tel que souligné par les requérantes ;

28-Considérant que le syndicat est défini comme étant l'association d'ouvriers, de travailleurs d'une même profession, pour la défense de leurs intérêts ; qu'il découle de cette définition que ne peuvent former un syndicat que des personnes, travailleurs ou employeurs, qui œuvrent dans un même secteur d'activité et ce pour la défense de leurs intérêts communs ; que dès lors, l'article 305 critiqué, loin de limiter ou d'entraver la liberté syndicale, réaffirme plutôt celle-ci en même temps qu'il l'encadre, lorsqu'il précise que le syndicat professionnel auquel adhère librement un travailleur doit être celui qui relève de son domaine d'activité ; que l'inconstitutionnalité invoquée n'est pas avérée ;

Sur l'article 311 de la loi en examen

29-Considérant que l'article 311 de la loi déférée à la Cour prévoit en son alinéa 1er : « Tout syndicat professionnel jouit de la personnalité civile dès l'obtention de l'arrêté conjoint des Ministres en charge du Travail et en charge de l'Intérieur, le droit d'ester en justice et d'acquérir sans autorisation, à titre gratuit ou onéreux, des biens meubles ou immeubles. » ;

30-Considérant que les organisations syndicales requérantes exposent que l'article 311 sus-énoncé, à travers l'expression ténébreuse dès l'obtention de l'arrêté conjoint des Ministres en charge du Travail et en charge de l'Intérieur, viole, entre autres, les dispositions de l'article 1er de la Constitution en son point 13 qui prescrit que le droit de former des associations, des partis ou formations politiques, des syndicats, des sociétés, des établissements d'intérêts social ainsi que des communautés religieuses est garanti à tous dans les conditions fixées par la loi, en ce sens que cette expression est de nature à mettre en danger l'existence des organisations syndicales, car, selon les requérantes, elle laisse libre cours à des dérives autoritaires et arbitraires des autorités des ministères du Travail et de l'Intérieur ;

31-Considérant que le Ministre en charge du Travail s'en défend en faisant valoir qu'il ne s'agit pas pour l'article 311 de mettre en place une autorisation préalable des pouvoirs publics pour la création d'un syndicat, ni de limiter ou d'entraver l'exercice syndical, mais plutôt d'instituer un dispositif qui viendrait formaliser l'acquisition par les syndicats de la personnalité juridique ;

32-Considérant qu'aux termes des dispositions ci-dessus rappelées du point 13 de l'article 1er de la Constitution, le droit de former des syndicats est certes garanti à tous, il doit cependant s'exercer dans les conditions fixées par la loi ; que ce sont justement ces conditions que l'article 311 déterminent en prévoyant que les syndicats professionnels ne sont dotés de la personnalité juridique que lorsqu'ils ont obtenu l'arrêté conjoint des ministres en charge du Travail et de l'Intérieur ; que toutefois, pour une meilleure lisibilité dudit article, il convient de le reformuler ainsi qu'il suit :

« Article 311, alinéa 1er : Tout syndicat professionnel jouit, dès l'obtention de l'arrêté conjoint du Ministre en charge du Travail et du Ministre en charge de l'Intérieur, de la personnalité civile qui lui ouvre le droit d'ester en justice et celui d'acquérir sans autorisation, à titre gratuit ou onéreux, des biens meubles ou immeubles. » ;

33-Considérant qu'il importe de rappeler en l'espèce que la Cour Constitutionnelle a été saisie par requête du Premier Ministre, enregistrée au Greffe de la Cour le 05 juillet 2021, aux fins de contrôle de constitutionnalité de la loi n°022/2021 portant révision de la loi n°03/94 du 21 novembre 1994, modifiée par la loi n°012/2000 du 12 octobre 2000, modifiée par la loi n°021/2010 du 27 juillet 2010 portant Code du Travail en République Gabonaise ; que dans ce cadre, la Cour Constitutionnelle vérifie la conformité à la Constitution de toutes les dispositions de la loi à elle déférée, depuis son intitulé jusqu'à son dernier article ;

Sur l'intitulé de la loi en examen

34-Considérant que la loi déférée à la Cour Constitutionnelle a pour titre « Loi n°022/2021 portant révision de la loi n°03/94 du 21 novembre 1994, modifiée par la loi n°012/2000 du 12 octobre 2000, modifiée par la loi n°021/2010 du 27 juillet 2010 portant Code du Travail en République Gabonaise » ; que cependant, l'article 415 de cette loi prescrit : « La présente loi, qui abroge la loi n°03/94 du 21 novembre 1994 portant Code du Travail en République Gabonaise, ensemble les textes modificatifs subséquents ainsi que toutes dispositions antérieures contraires est enregistrée, publiée suivant la procédure d'urgence et exécutée comme loi de l'Etat. » ; qu'il suit de là que la loi en examen ne vient pas réviser celle en vigueur, mais la remplace purement et simplement ;

35-Considérant que dans un souci de cohérence entre l'intitulé de la loi et l'article 415, il y a lieu de reformuler le titre de cette loi ainsi qu'il suit : « Loi n°022/2021 portant Code du Travail en République Gabonaise » ;

Sur les articles 134 alinéa 2, 159 et 160 de la loi en examen

36-Considérant que l'article 134 de la loi soumise au contrôle de constitutionnalité prescrit en son alinéa 2 : « Le travailleur en formation, quel que soit le type de formation à l'initiative de l'employeur, perçoit la totalité de sa rémunération, à l'exception des primes et indemnités liées à l'effectivité du travail. » ;

37-Considérant que ces dispositions sont la reproduction à l'identique de celles de l'article 133 de la même loi ; qu'il suit de là que cet alinéa fait double emploi avec l'article 133 ; que pour une meilleure lisibilité du texte, il échet de supprimer l'alinéa 2 de l'article 134, lequel article devra désormais se lire ainsi qu'il suit : « Le travailleur en contrat de professionnalisation ou d'adaptation professionnelle perçoit, pendant les six (6) premiers mois, selon la convention collective ou l'accord d'établissement, une allocation correspondant à la moitié du salaire de base catégorielle à laquelle il appartient et soixante-quinze pour cent (75%) du salaire de base, pour la période d'exécution du contrat restant à courir. » ;

38- Considérant, s'agissant des articles 159 et 160, qu'ils sont rédigés, pour ce qui est de l'article 159, dans les mêmes termes que l'article 158 et, concernant l'article 160, dans les mêmes termes que ceux de l'article 165 ; qu'en conséquence, les articles 159 et 160 doivent être supprimés ; que suite à cette suppression, la numérotation des autres articles de la loi en examen devra être modifiée ;

Sur les articles 260, 292, 296 et 302 de la loi en examen

39-Considérant qu'il ressort de la lecture des dispositions de ces articles que sur proposition du Ministre en charge du Travail, un arrêté doit être pris pour fixer, s'agissant de l'article 260, les dispositions relatives à la composition et au fonctionnement des comités de sécurité et de santé au travail, pour ce qui est de l'article 292, la composition et le fonctionnement du comité technique consultatif pour la sécurité et la santé au travail, concernant l'article 296, la composition de la commission nationale d'étude des salaires, et relativement à l'article 302, déterminer et limiter les possibilités d'embauche des entreprises d'une région donnée, d'un secteur d'activité donné ou de l'ensemble des entreprises dans une région déterminée ;

40-Considérant que tels que libellés, les articles 260, 292, 296 et 302 induisent que c'est une autre autorité qui est habilitée à prendre ces arrêtés alors que le Ministre en charge du Travail demeure l'interlocuteur des partenaires sociaux et l'organisateur de ce secteur de la vie publique ; que de surcroît, toutes les autres dispositions du texte en examen lui attribuent la compétence de prendre des arrêtés pour le bon fonctionnement de ce secteur dont il a la charge ; qu'en conséquence, pour une meilleure applicabilité de ces dispositions, les articles 260, 292, 296 et 302 doivent être reformulés pour se lire ainsi qu'il suit :

« Article 260 : Un arrêté pris par le Ministre en charge du Travail, après avis du comité technique consultatif pour la sécurité et la santé au travail, fixe les dispositions relatives à la composition et au fonctionnement des comités de sécurité et de santé au travail. » ;

« Article 292 alinéa 2 : Un arrêté pris par le Ministre en charge du Travail fixe la composition et réglemente le fonctionnement de ce comité qui doit comprendre les représentants des travailleurs et les représentants des employeurs désignés par leurs organisations respectives. » ;

« Article 296 alinéa 1er : La composition de la commission nationale d'étude des salaires est déterminée par arrêté du Ministre en charge du Travail. » ;

« Article 302 alinéa 1er : Des textes réglementaires pris par le Ministre en charge du Travail, après avis de la commission consultative du travail, peuvent déterminer et, le cas échéant, limiter en fonction des nécessités économiques, démographiques et sociales, les possibilités d'embauche des entreprises d'une région donnée, d'un secteur d'activité donné ou de l'ensemble des entreprises dans une région déterminée. » ;

Sur l'article 285, alinéa 2 de la loi en examen

41-Considérant que l'alinéa 2 de l'article 285 de la loi déférée en contrôle de constitutionnalité à la Cour énonce : « Le statut particulier des inspecteurs du travail ainsi que celui des contrôleurs du travail est fixé par voie réglementaire. » ;

42-Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article 47 de la Constitution, tiret 15 de l'alinéa premier dudit article, c'est la loi qui fixe les statuts particuliers de certains fonctionnaires ; que pour être déclaré conforme à la Constitution, l'alinéa 2 de l'article 285 doit être reformulé ainsi qu'il suit : « Le statut particulier des inspecteurs du travail ainsi que celui des contrôleurs de travail est fixé par la loi. » ;

43-Considérant que toutes les autres dispositions de la loi n°022/2021 portant Code du Travail en République Gabonaise ne comportent aucune inconstitutionnalité ; qu'il y a lieu de les déclarer conformes à la Constitution.

 D E C I D E :

Article 1er : L'intitulé de la loi n°022/2021 portant révision de la loi n°03/94 du 21 novembre 1994, modifiée par la loi n°012/2000 du 12 octobre 2000, modifiée par la loi n°021/2010 du 27 juillet 2010 portant Code du Travail en République Gabonaise est désormais le suivant : « Loi n°022/2021 portant Code du Travail en République Gabonaise ».

Article 2 : Les dispositions des articles 134 alinéa 2, 159 et 160 sont supprimées. Suite à cette suppression, les autres articles de la loi n°022/2021 portant Code du Travail en République Gabonaise sont autrement numérotés.

Article 3 : Les articles 134, 209 alinéa 3, 258, 283 alinéa 2, 290 alinéa 2, 294 alinéa 1er, 300 alinéa 1er et 309 alinéa 1er sont conformes à la Constitution, sous réserve de les reformuler ainsi qu'il suit :

« Article 134 : Le travailleur en contrat de professionnalisation ou d'adaptation professionnelle perçoit, pendant les six (6) premiers mois, selon la convention collective ou l'accord d'établissement, une allocation correspondant à la moitié du salaire de base catégorielle à laquelle il appartient et soixante-quinze pour cent (75%) du salaire de base, pour la période d'exécution du contrat restant à courir. » ;

« Article 209 alinéa 3 : Si pendant la grossesse et durant les trois (3) mois qui suivent l'accouchement ce transfert n'est pas possible, le contrat est suspendu. Pendant cette période, la femme a droit au versement par l'employeur d'une indemnité équivalente à la moitié du salaire qu'elle percevait avant la suspension et au maintien de son ancienneté. A la fin de cette période, elle retrouve son emploi initial.» :

« Article 258 : Un arrêté pris par le Ministre en charge du Travail, après avis du comité technique consultatif pour la sécurité et la santé au travail, fixe les dispositions relatives à la composition et au fonctionnement des comités de sécurité et de santé au travail. » ;

« Article 283 alinéa 2 : Le statut particulier des inspecteurs du travail ainsi que celui des contrôleurs du travail est fixé par la loi. » ;

« Article 290 alinéa 2 : Un arrêté pris par le Ministre en charge du Travail fixe la composition et réglemente le fonctionnement de ce comité qui doit comprendre les représentants des travailleurs et les représentants des employeurs désignés par leurs organisations respectives. » ;

« Article 294 alinéa 1er : La composition de la commission nationale d'étude des salaires est déterminée par arrêté du Ministre en charge du Travail. » ;

« Article 300 alinéa 1er : Des textes réglementaires pris par le Ministre en charge du Travail, après avis de la commission consultative du travail, peuvent déterminer et le cas échéant, limiter en fonction des nécessités économiques, démographiques et sociales, les possibilités d'embauche des entreprises d'une région donnée, d'un secteur d'activité donné ou de l'ensemble des entreprises dans une région déterminée. » ;

« Article 309 alinéa 1er : Tout syndicat professionnel jouit, dès l'obtention de l'arrêté conjoint du Ministre en charge du Travail et du Ministre en charge de l'Intérieur, de la personnalité civile qui lui ouvre le droit d'ester en justice et celui d'acquérir sans autorisation, à titre gratuit ou onéreux, des biens meubles ou immeubles. »

Article 4 : Toutes les autres dispositions de la loi n°022/2021 portant Code du Travail en République Gabonaise sont conformes à la Constitution.

Article 5 : La présente décision sera notifiée aux requérants, au Président de la République, au Président du Sénat, au Président de l'Assemblée Nationale, communiquée au Ministre en charge du Travail et publiée au Journal Officiel de la République Gabonaise ou dans un journal d'annonces légales.

Ainsi délibéré et décidé par la Cour Constitutionnelle en sa séance du trente septembre deux mil vingt et un où siégeaient :

-Madame Marie Madeleine MBORANTSUO, Président ;

-Monsieur Emmanuel NZE BEKALE,

-Madame Louise ANGUE,

-Monsieur Christian BIGNOUMBA FERNANDES,

-Madame Lucie AKALANE,

-Monsieur Jacques LEBAMA,

-Madame Afriquita Dolorès AGONDJO ép. BANYENA,

-Monsieur Edouard OGANDAGA,

-Monsieur Sosthène MOMBOUA, membres ; assistés de Maître Hortense DJOBOLO, Greffier.

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