AU NOM DU PEUPLE GABONAIS ;
LA COUR CONSTITUTIONNELLE ;
Vu la requête enregistrée au Greffe de la Cour le 05 juillet 2021, sous le n°024/GCC, par laquelle le Premier Ministre a déféré à la Cour Constitutionnelle, aux fins de contrôle de constitutionnalité, la loi n°025/2021 portant réglementation des transactions électroniques en République Gabonaise ;
Vu la Constitution ;
Vu la loi organique n°9/91 du 26 septembre 1991 sur la Cour Constitutionnelle, modifiée par la loi organique n°001/2018 du 30 juillet 2018 ;
Vu le règlement de procédure de la Cour Constitutionnelle n°035/CC/06 du 10 novembre 2006, modifié par le règlement de procédure de la Cour Constitutionnelle n°047/CC/2018 du 20 juillet 2018 ;
Vu la loi n°020/2005 du 03 janvier 2006 fixant les règles de création, d'organisation et de gestion des services de l'Etat, ensemble les textes modificatifs subséquents ;
Vu l'ordonnance n°0000008/PR/2012 du 13 février 2012 portant création et organisation de l'Agence de Régulation des Communications Electroniques et des Postes ;
Le Rapporteur ayant été entendu ;
1-Considérant que par requête susvisée, le Premier Ministre a déféré à la Cour Constitutionnelle, aux fins de contrôle de constitutionnalité, la loi n°025/2021 portant réglementation des transactions électroniques en République Gabonaise ;
Sur les tirets 37 et 43 de l'article 6 de la loi en examen
2-Considérant que l'article 6 énonce respectivement en ses tirets 37 et 43 :
« Au sens de la présente loi, on entend par :
-prestataire de service de certification agréé : prestataire qui fait l'objet d'une accréditation auprès de l'autorité de régulation, après avis consultatif du Ministre ;
-prestataire de service de certification agréé : est considéré comme prestataire qui fait l'objet d'une accréditation auprès de l'autorité compétente, dans les conditions fixées par voie réglementaire. » ;
3-Considérant, d'une part, qu'il est constant que les tirets 37 et 43 précités de l'article 6 définissent tous deux le prestataire de service de certification agréé ; que pour une meilleure lisibilité du texte, il convient de retirer le tiret 43 dudit article 6 ;
4-Considérant d'autre part, qu'aux termes des dispositions de l'alinéa 1er de l'article 58 de la loi n°020/2005 du 3 janvier 2006 fixant les règles de création, d'organisation et de gestion des services de l'Etat, les autorités administratives indépendantes sont des organismes administratifs qui agissent au nom de l'Etat sans pour autant relever de l'autorité d'un membre du Gouvernement ; que selon celles de l'article 2 de l'ordonnance n°0000008/PR/2012 du 13 février 2012 portant création et organisation de l'Agence de Régulation des Communications Electroniques et des Postes, il est créé dans le secteur des communications électroniques et des postes, une autorité administrative indépendante de régulation dénommée Agence de Régulation des Communications Electroniques et des Postes, en abrégé ARCEP, ci-après désignée « l'Agence » ;
5-Considérant qu'il résulte de la combinaison des dispositions précitées des articles 58, alinéa 1er de la loi n°020/2005 du 03 janvier 2006 fixant les règles de création, d'organisation et de gestion des services de l'Etat et 2 de l'ordonnance n°0000008/PR/2012 du 13 février 2012 portant création et organisation de l'Agence de Régulation des Communications Electroniques et des Postes que l'Agence de Régulation des Communications Electroniques et des Postes est bien une autorité administrative indépendante ; qu'en tant que telle, les règles régissant les autorités administratives indépendantes lui sont également applicables ;
6-Considérant que le tiret 37 de l'article 6 de la loi en examen, du fait qu'il subordonne à l'avis préalable du Ministre chargé de la Communication l'accréditation par l'Agence de Régulation des Communications Electroniques et des Postes du prestataire de service de certification agréé, contrarie les dispositions ci-dessus rappelées de l'alinéa 1er de l'article 58 de la loi n°020/2005 du 03 janvier 2006 susvisée ; que pour être déclaré conforme à la Constitution, le tiret 37 dudit article doit être amputé du membre de phrase : « après avis consultatif du Ministre » ; que ledit tiret doit donc désormais se lire ainsi qu'il suit :
« -prestataire de service de certification agréé : prestataire qui fait l'objet d'une accréditation auprès de l'autorité de régulation. » ;
Sur les articles 82 et 112
7-Considérant que l'article 82 de la loi en examen édicte : « L'importation, l'exportation ou la fourniture de moyens de cryptologie assurant des fonctions de confidentialité sont, après avis consultatif du Ministre, soumises à une autorisation préalable de l'autorité de régulation et à une autorisation spéciale d'importation ou d'exportation en matière de commerce.
Les modalités de délivrance de l'autorisation sont fixées par décret pris en Conseil des Ministres sur proposition du Ministre chargé de l'Economie Numérique, après avis de l'autorité de régulation. » ;
8-Considérant que l'article 112 de la même loi stipule : « Le prestataire de service de cryptologie doit être agréé par l'autorité compétente.
Les conditions et modalités de délivrance de l'agrément ainsi que les autres obligations incombant aux prestataires sont fixées par voie réglementaire. » ;
9-Considérant qu'il est acquis que les dispositions sus-rappelées des articles 82 et 112 de la loi en examen subordonnent la délivrance, par l'autorité de régulation, d'une autorisation pour l'importation, l'exportation ou la fourniture de moyens de cryptologie ainsi que celle d'un agrément au prestataire de service de cryptologie, à l'avis consultatif préalable du Ministre chargé de l'Economie Numérique ; que tels que libellés, les articles 82 et 112 violent les dispositions précitées de l'article 58, alinéa 1er de la loi n°020/2005 du 03 janvier 2006 susvisée; que pour être déclarés conformes à la Constitution, lesdits articles doivent être reformulés ainsi qu'il suit :
« Article 82 : L'importation, l'exportation ou la fourniture de moyens de cryptologie assurant des fonctions de confidentialité sont soumises à une autorisation préalable de l'autorité de régulation et à une autorisation spéciale d'importation ou d'exportation en matière de commerce.
Les modalités de délivrance de l'autorisation sont fixées par décret pris en Conseil des Ministres sur proposition du Ministre chargé de l'Economie Numérique, après avis de l'autorité de régulation. » ;
« Article 112 : Le prestataire de service de cryptologie doit être agréé par l'autorité de régulation.
Les conditions et modalités de délivrance de l'agrément ainsi que les autres obligations incombant aux prestataires sont fixées par voie réglementaire. » ;
Sur les articles 115, 116 et 117
10-Considérant que l'article 115 de la loi n°025/2021 portant réglementation des transactions électroniques en République Gabonaise énonce : « Les prestataires de services de certification électronique sont responsables du préjudice causé aux personnes de bonne foi qui sont fiées à leurs certificats présentés comme qualifiés au sens de la présente loi. » ;
11-Considérant que l'article 116 de la loi en examen dispose : « Les prestataires de services de certification électronique doivent justifier d'une garantie financière suffisante ou d'une assurance garantissant les conséquences pécuniaires de leur responsabilité civile professionnelle. » ;
12-Considérant que l'article 117 de la même loi édicte : « Les prestataires ne sont pas responsables du préjudice causé par un usage du certificat dépassant les limites et valeurs des transactions arrêtées pour son utilisation, à condition que ces limites figurent dans le certificat et soient accessibles aux utilisateurs. » ;
13-Considérant qu'il est constant que les dispositions des articles 115, 116 et 117 sus-rappelées concernent le prestataire de service de certification électronique ; que dès lors, ces dispositions ne sauraient figurer parmi celles spécifiques au prestataire de service de cryptologie contenues dans la sous-section 5 de la section 2 du chapitre 2 de la loi en examen ; que pour une meilleure lisibilité du texte, il convient de les rattacher à la sous-section 4 relative au prestataire de service de certification électronique, à la suite de celles de l'article 108 du présent texte;
14-Considérant qu'en raison du rattachement des dispositions des articles 115, 116 et 117 de la loi en examen à la sous-section 4 sus-indiquée, plus précisément à la suite de l'article 108, la loi en examen doit être restructurée et les articles autrement numérotés ;
Sur l'article 119
15-Considérant que l'article 119 de la loi n°025/2021 portant réglementation des transactions électroniques en République Gabonaise stipule : « Tous les échanges d'informations, de documents ou d'actes administratifs peuvent faire l'objet d'une transmission par voie électronique.
Lorsqu'une disposition légale ou réglementaire prévoit une exigence de forme particulière dans le cadre d'une procédure administrative, cette exigence peut être satisfaite par voie électronique. » ;
16-Considérant que la Constitution garantit en son article 1er la protection de la vie privée des citoyens ; qu'en prévoyant une trop large ouverture dans les échanges par voie électronique des informations, de documents ou actes administratifs y compris ceux sous les formes particulières exigées par la loi dans le cadre d'une procédure administrative, l'article 119 est susceptible de porter atteinte au principe constitutionnel du respect de la vie privée des citoyens ; que pour être déclaré conforme à la Constitution, ledit article doit être reformulé ainsi qu'il suit :
« Article 119 : Tous les échanges d'informations, de documents ou d'actes administratifs peuvent faire l'objet d'une transmission par voie électronique, à l'exception de ceux qui portent atteinte aux données à caractère personnel et à la vie privée. »
17-Considérant que les autres dispositions de la loi n°025/2021 portant réglementation des transactions électroniques en République Gabonaise ne sont entachées d'aucune inconstitutionnalité ; qu'il y a lieu de les déclarer conformes à la Constitution.
D E C I D E :
Article 1er : La loi n°025/2021 portant réglementation des transactions électroniques en République Gabonaise est restructurée et ses articles autrement numérotés.
Article 2 : L'article 6 en son tiret 37, ainsi que les articles 82, 115 et 119 de la loi n°025/2021 portant réglementation des transactions électroniques en République Gabonaise sont conformes à Constitution, sous réserve de les reformuler ainsi qu'il suit :
« Article 6, tiret 37 nouveau :
-prestataire de service de certification agréé : prestataire qui fait l'objet d'une accréditation auprès de l'autorité de régulation ; ».
« Article 82 nouveau : L'importation, l'exportation ou la fourniture de moyens de cryptologie assurant des fonctions de confidentialité sont soumises à une autorisation préalable de l'autorité de régulation et à une autorisation spéciale d'importation ou d'exportation en matière de commerce.
Les modalités de délivrance de l'autorisation sont fixées par décret pris en Conseil des Ministres sur proposition du Ministre chargé de l'Economie Numérique, après avis de l'autorité de régulation. » ;
« Article 115 nouveau : Le prestataire de service de cryptologie doit être agréé par l'autorité de régulation.
Les conditions et modalités de délivrance de l'agrément ainsi que les autres obligations incombant aux prestataires sont fixées par voie réglementaire. »
« Article 119 nouveau : Tous les échanges d'informations, de documents ou d'actes administratifs peuvent faire l'objet d'une transmission par voie électronique, à l'exception de ceux qui portent atteinte aux données à caractère personnel et à la vie privée. »
Article 3 : Les autres dispositions de la loi n°025/2021 portant réglementation des transactions électroniques en République Gabonaise sont conformes à la Constitution.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au requérant, au Président de la République, au Président du Sénat, au Président de l'Assemblée Nationale et publiée au Journal Officiel de la République Gabonaise ou dans un journal d'annonces légales.
Ainsi délibéré et décidé par la Cour Constitutionnelle en sa séance du vingt quatre août deux mille vingt et un où siégeaient :
-Madame Marie Madeleine MBORANTSUO, Président ;
-Monsieur Emmanuel NZE BEKALE,
-Madame Louise ANGUE,
-Monsieur Christian BIGNOUMBA FERNANDES,
-Madame Afriquita Dolorès AGONDJO ép. BANYENA,
-Monsieur Edouard OGANDAGA,
-Monsieur Sosthène MOMBOUA, membres ; assistés de Maître Charlène MASSASSA MIPIMBOU, Greffier.